2016, l’année de toutes les peurs

30/12/2016

Après une année 2015 calamiteuse, l’année 2016 a été entamée avec une certaine appréhension, et même, peur, par nombre de Tunisiens. Finalement, l’année a apporté son lot d’accalmie malgré une situation économique toujours au plus bas et une effervescence sociale et politique qui ne se sont pas tassées. En somme, plus de peur que de mal, mais plusieurs événements marquants. Rétrospective de ce qui a fait l’année 2016.

6 janvier, remaniement ministériel du gouvernement Essid

L’année débute avec un remaniement ministériel. Le 6 janvier 2016, Habib Essid dévoile les couleurs de sa nouvelle équipe qui doit faire face à de grands défis sécuritaires et économiques. Un remaniement attendu depuis novembre et annoncé le jour même de l’attaque terroriste survenue contre le bus de la Garde présidentielle.
13 nouveaux ministres sur les 29 existants. En somme, on se sépare des technocrates et on fait monter les politiques. Un rajeunissement de l’équipe est aussi observé. Habib Essid souhaitait réduire le nombre de ses ministres et remodeler son cabinet afin d’en alléger le nombre. La fonction de secrétaire d’Etat a, par ailleurs, été supprimée et certains départements furent réaffectés dont on citera Hédi Majdoub à l’Intérieur, Omar Mansour à la Justice, Khemaies Jhinaoui aux Affaires étrangères, Mohamed Khalil aux Affaires religieuses, Sonia Mbarek à la Culture et Youssef Chahed aux Affaires locales.

9 et 10 janvier, Congrès de Sousse de Nidaa Tounes
Sur fond de crise interne et d’interminables luttes intestines, qui continuent d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, Nidaa Tounes a tenu son congrès de Sousse les 9 et 10 janvier 2016. Un congrès qui devait préparer la tenue de celui électif, prévu en juin, mais qui n’a toujours pas vu le jour. Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi ont tous les deux fait une apparition remarquée au congrès de quoi officialiser l’union, autrefois timide, entre Ennahdha et Nidaa. Ce congrès a marqué « la mainmise de Hafed Caïd Essebsi sur les structures du parti », depuis le départ de Mohsen Marzouk en décembre, et la création de deux camps. Plusieurs démissions de députés et de cadres du parti s’en sont suivies et des structures de Nidaa s’affrontent encore aujourd’hui, en attendant le congrès électif prévu, cette fois, en 2017.

1er février, début du feuilleton Petrofac

Depuis février 2016, la société pétrolière tuniso-britannique Petrofac annonce qu’elle s’apprête à quitter la Tunisie. En cause, des protestataires bloquent la production agissant en totale impunité. Le feuilleton Petrofac continuera sur plusieurs mois. Face aux multiples blocages, la société annoncera à de multiples reprises sa volonté de quitter le pays ainsi que l’arrêt de ses activités. Un accord est signé en septembre.

Une période de répit s’en suit avant que la société ne soit, de nouveau, forcée à l’arrêt en décembre courant. Mardi matin 13 décembre 2016, un PV d’arrêt de production a été signé officiellement, par les deux partenaires, Petrofac et l’ETAP. En avril dernier, une enquête avait permis de découvrir que des membres du parti Ettahrir (islamiste radical) et du Front populaire (extrême gauche) seraient derrière les derniers événements de Kerkennah et le blocage de Petrofac. Des routes ont été bloquées et des transports de marchandises compromis. Les grabuges ont duré plusieurs jours, deux véhicules de police ont été incendiés, en plus d’un autre jeté dans l’eau.

7 mars 2016, attaque terroriste de Ben Guerdène

Il s’agit du plus important succès sécuritaire de l’année 2016. A l’issue de cette attaque, par laquelle les terroristes ambitionnaient d’instaurer un état « daechien », d’importantes quantités d’armes de guerre et de munitions ont été découvertes et  35 terroristes ont été abattus. 7 autres ont été arrêtés. Cependant, malgré le succès de l’opération, on a déploré la perte de 7 civils et de 11 éléments des forces armées (6 de la Garde nationale, 3 agents de l’ordre, 1 militaire et 1 douanier), outre 15 blessés (1 de la Garde nationale, 3 agents de l’ordre, 1 douanier, 7 militaires et 3 civils).

3 avril 2016, l’affaire des Panama Papers
La plus grosse fuite d’informations concernant les comptes offshore  et avoirs dans les paradis fiscaux de 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan a eu lieu le 3 avril.
Des milliers de personnes, entre anonymes, chefs d’État,  milliardaires célèbres,  grands noms du sport et célébrités, sont exposés. En Tunisie, Mohsen Marzouk, coordinateur général du MPT (mouvement du projet de la Tunisie) est épinglé par le web magazine Inkyfada comme étant impliqué dans l’affaire « Panama Papers ».  Selon les documents, l’ancien directeur de la campagne de Béji Caïd Essebsi aurait envoyé un mail à Mossack Fonseca pour tenter de constituer une société offshore pour “détenir des placements financiers et s’engager dans des affaires à l’international”. Des allégations que le principal intéressé réfute.
L’affaire des « Panama Papers » est prise au sérieux et le ministre de la Justice, Omar Mansour, ordonne de suivre l’affaire et de mener les investigations nécessaires en cas de besoin. Une commission parlementaire a par ailleurs été créée dans ce sens.

20 mai, ouverture du 10ème Congrès d’Ennahdha

la coupole de Radès, le parti islamiste a eu son grand moment de démonstration de force. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a fait partie des invités d’honneur et a prononcé un discours aux côtés de Rached Ghannouchi. A l’issue de ce congrès, le président et leader historique Rached Ghannouchi, est réélu dans son poste de président d’Ennahdha. Le parti décide aussi de renoncer à sa dimension religieuse et de devenir un parti civil.

13 juillet, signature du Pacte de Carthage

Après des mois de concertations, le Pacte de Carthage, signé par des partis politiques et représentants des organisations nationales et de la société civile, détermine les priorités du prochain gouvernement d’union nationale. Il s’agit d’un document de référence censé sortir le pays de la crise et fixer les principales recommandations pour le gouvernement de Youssef Chahed qui verra le jour par la suite. Il comprend plusieurs volets concernant la lutte antiterroriste et contre la corruption, la relance économique, les équilibres financiers, le développement régional, la promotion du travail gouvernemental et l’achèvement de l’instauration des institutions.
30 juillet 2016, Habib Essid n’est plus chef de gouvernement

L’assemblée des représentants du Peuple, réunie en plénière, a décidé de ne pas renouveler sa confiance en Habib Essid, après 8 mois d’exercice. Habib Essid n’a réussi à obtenir que 3 votes favorables et il a été destitué à 118 voix sur 148 (27 abstentions). Une plénière sans grande surprise puisque l’issue du vote était connue d’avance mais qui a placé Habib Essid sous une pluie de critiques de la part d’élus de tous bords. Son départ solde une crise de plusieurs semaines qui l’a opposé au président Béji Caïd Essebsi et des relations conflictuelles avec Nidaa Tounes.

29 août, passation de pouvoirs entre Habib Essid et Youssef Chahed

Youssef Chahed est officiellement chef de gouvernement après une cérémonie de passation de pouvoirs avec Habib Essid au palais de Carthage. Il est le 7ème à avoir prêté serment depuis 2011 mais aussi le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire moderne de la Tunisie.  Son gouvernement, dit d’union nationale, a été largement validé par l’ARP.

23 septembre, pluies torrentielles et importants dégats à Tunis et à Sousse

Des pluies torrentielles se sont abattues sur Tunis et Sousse le 23 septembre 2016 causant des dégâts importants dans plusieurs quartiers de la capitale : routes inondées, carambolages et transports publics à l’arrêt. Ces importantes précipitations ont mis à nu une infrastructure de base défaillante et ont bloqué en grande partie le trafic routier de ces villes.

29 novembre, lancement de Tunisia 2020, Conférence internationale sur l’investissement
Il s’agit d’une grande opération communication organisée par la Tunisie pour drainer des fonds et attirer des investisseurs du monde entier. Plusieurs personnalités internationales étaient de la partie dont des représentants d’institutions financières et des politiques. L’événement a enregistré la présence de 4500 personnes, 1500 partenaires économiques, 70 pays participants et 40 délégations officielles. Il a engrangé un montant total de financements de 34 milliards de dinars.

17 novembre, démarrage des premières auditions de l’Instance Vérité et Dignité
Les premières auditions publiques des victimes de violations de droits de l’Homme, enregistrées entre 1955 et 2013, ont démarré le 17 novembre sous la houlette de l’instance Vérité et Dignité de Sihem Ben Sedrine. Plusieurs personnalités présentes, dont Rached Ghannouchi, Hamma Hammami, etc. mais aussi des absences remarquées dont, surtout, celles des trois présidents Béji Caïd Essebsi, Youssef Chahed et Mohamed Ennaceur. Des centaines de personnes sont venues d’exprimer sur leurs agressions dans le but « d’informer le public sur les types de violations subies par les victimes en vue du rétablissement de la vérité, l’indemnisation des victimes et la réconciliation », selon l’IVD.
15 décembre, assassinat de Mohamed Zouari
Mohamed Zouari, ingénieur tunisien, a été assassiné devant son domicile à Sfax le 15 décembre 2016. Le ministère de l’Intérieur organise une conférence de presse l’enquête révèle qu’il a été assassiné par des Tunisiens mandatés par des parties étrangères opérant en Turquie. L’implication israélienne n’est pas à écarter. Deux jours après son assassinat, la brigade Izz al-Din al-Qassam, branche armée du Hamas, a reconnu l’ingénieur Mohamed Zouari, comme étant dirigeant et martyr de la Brigade.
Cette affaire a provoqué un tollé en Tunisie, plusieurs personnalités ont exprimé leur indignation, qualifiant Zouari de « martyr ». Une importante manifestation a été organisée dans la ville de Sfax afin d’appeler à faire toute la lumière sur l’assassinat de Mohamed Zouari. Des slogans en faveur de la cause palestinienne et hostiles aux juifs et israéliens ont été brandis par les participants.

Le retour des anciens terroristes fait la polémique
En cette fin d’année, la grande question du retour des terroristes en Tunisie agite les débats. Youssef Chahed déclare que « l’Etat ne soutient pas le retour des terroristes en Tunisie » alors que Béji Caïd Essebsi affirme que « chaque Tunisien a le droit de revenir à son pays, c’est un droit garanti par la Constitution » ajoutant que les terroristes de retour au pays seront jugés conformément à la loi antiterroriste. Les politiques tergiversent sur la question et alors que Rached Ghannouchi affirme que « les terroristes doivent être rapatriés et traités en tant que malades », la majorité des partis de la scène politique se sont élevés contre ce retour se posant fermement contre. Le débat est encore en cours et la question ne trouvera pas de réponse avant l’année 2017.

Bonne année à tous !

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