BNA, BH et STB : Les sonnettes d’alarme sont tirées!

01/03/2017

La Banque Nationale Agricole (BNA), la Banque de l’Habitat (BH) et la Société Tunisienne de Banque (STB) « ne jouent plus leur rôle de bras financier de l’Etat et croulent sous le poids des crédits carbonisés »! La décision du gouvernement, et à sa tête Youssef Chahed, de trouver une sortie de crise pour endiguer l’endettement de ces 3 banques publiques en sous performance s’est donc imposée. C’est de pied ferme qu’il a annoncé l’imminence de cette mesure, mais sans pour autant préciser les modalités des solutions possibles. L’annonce a, à elle seule, soulevé un tollé alors que pour le moment c’est encore le flou artistique…

 

« Il faut se poser honnêtement la question de l’opportunité de l’Etat de détenir des parts dans les trois banques publiques que sont la BNA, la BH et la STB », a lancé le chef du gouvernement, Youssef Chahed, lors d’une rencontre avec les étudiants de l’Institut préparatoire aux Etudes scientifiques et techniques (IPEST) le 14 Janvier dernier.

Ce dossier, il l’a remis sur la table lors de son interview exclusive accordée à Hamza Belloumi pour expliquer les raisons de la démission-limogeage de l’ancien ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, et où il a déclaré que la BNA, la BH et la STB sont en grande difficulté financière et qu’elles constituent une charge pour l’Etat. Ces établissements, qui étaient censés constituer « une partie de la solution » pour financer l’économie tunisienne, sont devenus « un problème majeur pour l’Etat ». Simultanément, après cette annonce, les cours en bourse de ces 3 banques se sont envolés.

Pour compléter son annonce, le chef du gouvernement a également préconisé la cession des participations minoritaires de l’Etat dans une quinzaine d’autres banques parmi lesquelles Al Baraka, la Zitouna, la STUSID, la Banque de Tunisie et des Emirats, la Banque Tuniso-Libyenne (BTL) et d’autres banques. La raison est simple : l’Etat ne génère pas de dividendes dans ses participations et l’option de vendre s’est donc présentée comme une solution.

 

 

Alors que reproche le gouvernement à la BNA, la BH et la STB ? Ces banques qui avaient pour fonction originelle de financer les secteurs en difficulté tels que le secteur agricole, celui de l’artisanat et du financement des PME sont en crise depuis 2013 et se sont révélées incapables de jouer leur rôle initial de bras financier de l’Etat.

Malgré les réformes engagées depuis 2013 et les audits complets, la situation de ces banques ne s’est pas franchement améliorée. Suite à ces audits, l’ARP avait d’ailleurs approuvé leur recapitalisation, leur restructuration et la refonte de leur gouvernance. Une amélioration a été ressentie mais la décision du gouvernement de réorienter la stratégie bancaire et de limiter la présence publique dans ce secteur l’a emporté.

 

Le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Fadhel Abdlkefi a confirmé les affirmations du chef du gouvernement, le 27 février dernier dans l’émission 24/7 présentée par Myriam Belkadhi sur Al Hiwar Ettounsi, Il a indiqué que parmi les trois banques publiques, seule la BH avait affiché une amélioration mais qu’il fallait admettre que « la banque de l’Habitat n’a rien à voir avec les financements de l’Habitat et que la BNA n’a rien avoir avec les financements agricoles ». Un autre reproche a été formulé, les trois banques publiques ne soutiennent pas assez certaines entreprises publiques qui sont surendettées, telles que l’Office National de l’Huile (ONH), l’Office des Céréales (OC) et l’Offices de Terres Domaniales (OTD).

Pour endiguer ce problème le chef du gouvernement entend, parmi les scénarios possibles, instituer « une seule grande banque publique, qui disposerait d’une assise financière assez importante pour concurrencer le secteur privé ». Fadhel Abdlkefi a également présenté cette possibilité en déclarant « que la nouvelle vision du gouvernement entrant dans le cadre du plan de réforme du secteur public est orientée vers l’existence d’une grande banque nationale dotée d’importants fonds propres et davantage de souplesse dans sa gestion ».

 

La ministre des Finances, Lamia Zribi, s’est également exprimée en annonçant, dans une déclaration accordée à l’agence de presse Reuters, que le Fonds Monétaire International (FMI)  « a fait geler la deuxième tranche du crédit accordée à la Tunisie estimée à 350 millions de dollars à cause de la lenteur des réformes exigées ». Cette mesure coercitive de la part du FMI aurait ainsi « poussé le gouvernement à étudier la possibilité de vendre les parts de l’Etat dans trois banques publiques au cours de l’année 2017 dans le cadre d’une réforme du secteur bancaire ».

 

Les exigences du FMI, à l’origine de multiples théories complotistes, ont fait jaser le président de la commission des Finances à l’ARP, Mongi Rahoui. Il a ainsi argué qu’un pays qui se respecte doit posséder ses propres banques publiques car dans l’hypothèse d’une crise systémique ce sont elles qui sont censées intervenir pour réguler le marché. Il a également dénoncé le caractère unilatéral de la décision de vente des parts de l’Etat dans les 3 banques publiques. Selon lui, il ne s’agirait pas d’ « une décision ministérielle », mais d’une exigence du FMI. « Des personnes au sein du gouvernement travaillent pour le FMI et la Banque Mondiale ! » a-t-il osé déclarer pointant du doigt que la souveraineté nationale du pays est en danger.

Des accusations qui ont été formellement démenties par Fadhel Abdlkefi qui a riposté en déclarant que « le FMI n’a jamais donné d’ordres ni émis de conditions » en insistant sur le fait que cette institution financière, « qui accorde des prêts à des conditions avantageuses revendique forcément des réformes ». C’est une condition sine qua non qui est tout à fait concevable d’autant plus que « tout le monde s’accorde sur la nécessité de ces réformes ».

 

La fédération des banques tunisiennes relevant de l’UGTT n’a pas tardé à réagir et a appelé à une mobilisation « face à la décision unilatérale du gouvernement » qu’elle a qualifié de « fatale pour le climat social ». Dans un communiqué publié lundi 27 février 2017, la Fédération a ainsi annoncé une série de mouvements face aux «dérapages dangereux » du gouvernement. La riposte qu’elle compte mener consistera à organiser une campagne de sensibilisation à laquelle participeront « des parties nationales à l’intérieur de l’ARP » pour contrer la tentative de mise à genoux du secteur bancaire…

 

 

Alors que les options de fusionner les trois banques, de les privatiser ou de poursuivre l’exécution de leurs programmes de restructuration sont encore floues, l’orientation libérale du gouvernement semble désormais acquise. Le gouvernement de Youssef Chahed n’a encore pris aucune décision officielle mais les divergences et les contestations se multiplient déjà. Cette décision, si elle se concrétise pourrait mener à une réflexion plus ample, sur une probable privatisation de Tunisair, de la Société des transports de Tunis ou de la Société nationale des chemins de fer tunisiens, des sociétés endettées où la performance est loin d’être au rendez-vous.

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