Crise à l’IVD : L’étau se resserre autour de Sihem Ben Sedrine

17/08/2017

Les déboires de l’Instance Vérité et Dignité n’en finissent pas depuis sa mise sur pied avec la multiplication des départs volontaires, des démissions, des mises à l’écart, plus particulièrement celles de Zouhair Makhlouf, Lilia Bouguira et Mustapha Baâzaoui. Le triste feuilleton se poursuit au détriment du processus de la justice transitionnelle qui devait être salvateur après la réussite relative de la transition démocratique…

 

Cette fois-ci, il s’agit d’un nouveau scandale d’une plus grande ampleur surtout que les critiques les plus acerbes proviennent de quatre membres sur les neuf rescapés. Il faut dire que du moment de la mise en place de l’instance, jusqu’au déclenchement de cette crise, six membres ont déjà quitté le navire soit en démissionnant, soit en étant limogés.

 

Les quatre membres signataires d’un assez virulent communiqué, en l’occurrence, Oula Ben Nejma, Ibtihel Abdellatif, Slaheddine Rached et Ali Radhouane Ghrab, ont dénoncé avec vigueur, « la prise de décisions unilatérales de la présidente, Sihem Ben Sedrine, qui a mis fin à la mission d’une juge rattachée à l’IVD ».

Par ses prises de décisions arbitraires, ajoutent les mêmes signataires, Ben Sedrine est en train « de vider l’instance de toutes les compétences sérieuses et fidèles au processus de la justice transitionnelle, et qui ne se sont pas pliées à ses dictats ».

A noter que les membres en question ont pris certes le risque d’enfreindre le droit de réserve, mais face à la gravité des abus enregistrés, ils se sont vus contraints de ne plus se taire et de faire exposer la situation au sein de l’instance auprès de l’opinion publique.

 

Dans sa réponse aux reproches faits par les quatre membres, Sihem Ben Sedrine, à court d’arguments, n’a rien trouvé de mieux que de brandir son droit d’interrompre un rattachement qui est «une procédure administrative faisant partie des prérogatives de la présidente ». Elle a appelé, par ailleurs, au respect du secret des tractations qui ont lieu au niveau de son conseil, et des décisions issues de la majorité qui en découlent.

 

Mais ce n’est pas terminé. Le conflit semble prendre, cette fois-ci une tournure autrement plus grave que lors des précédents différends. En effet, les parties qui ont toujours exprimé un soutien inconditionnel à l’IVD, et, plus précisément, à sa présidente l’omnipotente Sihem Ben Sedrine, ont montré, lors de cet épisode, un visage différent en exprimant des positions tranchantes contre la cheffe sans partage de l’Instance. Qu’on en juge.

 

Ahmed Rahmouni, président de l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la magistrature (OTIM), a exprimé, mercredi 16 août 2017, son soutien à la juge Afef Nahali, démise de son rattachement à l’IVD par la présidente, Sihem Ben Sedrine.

Dans un communiqué rendu public par l’Observatoire, il ressort que « la décision de la présidente de l’IVD est unilatérale et illégale. Elle constitue, de ce fait, une menace sur la position des juges au sein de l’Instance ».

Ahmed Rahmouni, a appelé, en outre, Sihem Ben Sedrine à revenir sur sa décision exprimant des craintes quant « aux pressions subies par les juges rattachés à l’IVD dont les conditions de travail ont poussé quelques-uns à quitter volontairement l’Instance ». Et ce n’est pas fini.

 

Un autre inconditionnel de Sihem Ben Sedrine et de son IVD, en l’occurrence, le blogueur Yassine Ayari, commence, dans un post publié sur sa page officielle Facebook, par annoncer la démission du juge Amor Ettaïeb de l’Instance, vidée, ainsi de toute présence de cadres de la magistrature.

Et tout en s’interrogeant sur l’efficacité de l’action de l’IVD sans spécialistes en droit, Yassine Ayari prédit une « chute imminente et retentissante de la feuille de vigne tout en jugeant la situation comme se trouvant, désormais, dans une impasse ».

Le blogueur va encore plus loin dans ses notes pessimistes en affirmant qu’on « peut faire, déjà, son deuil de cette Instance ».

 

Maintenant que les perspectives sont des plus sombres pour le processus de la justice transitionnelle, certaines informations commencent à filtrer pour faire un peu plus de lumière sur les dessous des raisons ayant abouti à cet imbroglio. Un imbroglio qui pourrait sonner, carrément le glas d’une IVD, plus puissante de toutes les instances, même si elle n’est pas constitutionnelle.

 

On croit savoir que la juge démise de son rattachement, Afef Nahali, est très proche du juge Ahmed Rahmouni, ce qui expliquerait sa réaction violente à l’égard de Mme Ben Sedrine, sachant que ladite juge se serait « rebellée » contre les agissements d’un des trois coordinateurs, proche de Sihem Ben Sedrine et disposant d’une carte blanche pour agir à sa guise.

Ce même coordinateur aurait agressé verbalement et tenté même de le faire physiquement contre la magistrate, Afef Nahali, présidente de l’unité d’intervention d’urgence de l’IVD. Ce fut la goutte qui a fait déborder le vase avec le document signé par les quatre membres qui seraient, également, proches du parti Ennahdha.

Ceci expliquerait, selon les observateurs, la position prise par la députée  Yamina Zoghlami en leur faveur, alors que le député et ancien ministre de l’Agriculture, Mohamed Ben Salem semble afficher, toujours, son  appui à Ben Sedrine.

 

En tout état de cause, tout indique et laisse entendre que la crise est plus profonde que jamais, cette fois-ci avec des risques réels d’un éclatement de l’IVD qui n’a réalisé, jusqu’ici et selon les attestations de ses membres, aucune avancée digne de ce nom hormis les séances d’écoute que la présidente de l’Instance tente de leur conférer un halo et un cachet spectaculaire, mais sans faits concrets et tangibles.

 

A moins d’un sursaut de dernière minute et au rythme où vont les événements, l’Instance Vérité et Dignité semble être sur le point de signer son arrêt de mort. Et c’est dommage pour un processus qui aurait pu être positif, voire constructif.

 

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