Entre la Tunisie et la BAD, c’est je t’aime, moi non plus
26/10/2016
L’indifférence dans laquelle est partie la BAD en 2014 n’a d’égal que celle de la voir revenir à travers un bureau régional pour l’Afrique du Nord. Quel gâchis !
Ainsi, la Tunisie ne serait que pressentie pour accueillir le bureau régional de la Banque africaine de développement (BAD), dans le cadre de la restructuration de l’institution financière multilatérale africaine visant à se rapprocher de ses partenaires-pays par la création de 5 bureaux régionaux. Trois bureaux sont d’ores et déjà identifiés : Abidjan (Côte d’Ivoire) pour la partie occidentale du continent, Pretoria (Afrique du Sud) pour l’Afrique australe et Nairobi (Kenya) pour la région orientale. Concernant l’Afrique centrale, le choix se fera entre Lagos (Nigéria) et Yaoundé (Cameroun). Reste l’Afrique du Nord. Y avait-il d’autres choix que la Tunisie ? Eh bien, il semble que oui.
Le Maroc a opéré un lobbying sans précédent pour amener la banque à opter pour Casablanca, mettant à profit tous ses réseaux au sein de l’institution et même son représentant au sein du Conseil d’administration qui représente aussi la Tunisie et la Guinée. A l’inverse, nos gouvernants n’ont rien entrepris pour amener la BAD à de meilleurs sentiments envers la Tunisie. Entre la banque multilatérale et la Tunisie, c’est « je t’aime, moi non plus ». C’est que depuis 2011, les autorités tunisiennes ont considéré la BAD comme un tiroir-caisse et non un véritable partenaire. Pourtant, la banque n’a pas hésité à soutenir le pays dès l’apparition de ses premières difficultés financières.
Ayant élu domicile à Tunis depuis 2004 en raison de la guerre civile en Côte d’Ivoire, la banque s’est forgée une connaissance idoine de la réalité du pays. Elle a été la 1ère institution financière internationale à apporter un soutien financier à la Tunisie après les événements de 2011, approuvant un prêt de 500 millions de dollars en juin 2011 sous la forme d’un appui budgétaire, autorisant exceptionnellement son décaissement immédiat, sans attendre la fin des procédures y afférentes. C’est également cette banque qui, dès 2011, a pris l’initiative d’inviter les institutions financières internationales tels la Banque mondiale (BM), la Banque européenne d’investissement (BEI) par le biais de la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI) à soutenir la transition politique et à préserver l’équilibre et le cadre macroéconomique du pays. En 2013, le portefeuille actif de la Banque en Tunisie dépassait 1,1 milliard de dollars ; le 2ème portefeuille le plus important de l’institution financière multilatérale africaine. A cela, il faudrait ajouter les prêts d’appui budgétaire qui atteignaient déjà 1,7 milliard de dinars. L’engagement en faveur de la Tunisie est manifestement conséquent. Il aurait pu l’être davantage pour les années suivantes n’eut été l’alerte émise par les agences de notation sur le risque Tunisie qui pouvait se répercuter sur le risque souverain de la banque elle-même. Voilà le résultat d’une décennie de présence de la BAD dans le pays, nonobstant le fait que, par ailleurs, 75% des recrutements effectués par l’institution financière durant cette période, ont concerné des expertises tunisiennes.
A la même époque, l’idée d’un retour de la banque vers son siège historique d’Abidjan a commencé à faire son chemin. Sauf que les autorités tunisiennes n’ont rien fait pour retarder l’échéance alors qu’elles en avaient la possibilité. Or, dans le même temps, le président ivoirien, Alassane Ouatara, n’a pas hésité à offrir un édifice flambant neuf, au cœur d’Abidjan à quelques encablures du siège historique et propriété de la banque, pour accélérer son retour. Une même proposition aurait pu être faite par la Tunisie pour retenir l’institution financière, d’autant plus que, la BAD lorgnait le siège de l’ex-RCD de l’avenue Mohamed V à Tunis.
On aurait pu se consoler d’un tel départ dans la perspective où, à l’occasion du renouvellement de la présidence de la BAD en 2015, le candidat de la Tunisie accéderait au plus haut poste de l’institution financière. On sait ce qu’il est advenu de la candidature de Jaloul Ayed, balayée dès le premier tour du scrutin. Le soutien des autorités à l’ex-ministre des Finances dans le gouvernement de Béji Caïd Essebsi de 2011 ne s’est manifesté clairement qu’à l’avant-veille du scrutin. Trop tard ! Le gouvernement de l’époque a joué le rôle du lièvre de la fable de Lafontaine, laissant Jaloul Ayed ferrailler tout seul.
Cela étant, on comprend mieux, aujourd’hui, l’hésitation de la BAD à installer son bureau régional à Tunis. Elle ne tient pas tant à la situation sécuritaire du pays qu’à l’indifférence des autorités à l’y voir installer. Quel gâchis !
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