Gageure ou enjeu majeur ?
La société civile serait aux aguets quant aux promesses et programmes électoraux
A quelques mois du rendez-vous électoral, la société civile commence à s’organiser et se mobiliser dans le cadre d’une nouvelle initiative baptisée « Ntalbek wa nhasbek », conjointement pilotée par le réseau Doustourna et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes). Avec l’appui d’Oxfam, une ONG d’envergure internationale présente dans 90 pays dont la région du Maghreb, où elle continue de militer pour la justice économique et le bien-être social. Lancée hier à Tunis en marge d’un séminaire portant sur « le rôle de la société civile dans la redevabilité politique », cette initiative se veut une manière d’agir et de réagir, prenant garde face aux manœuvres politiques durant la période pré et pos-électorale. Elle veille à ce que les candidats politiques et les futurs élus au cours de la prochaine législature soient à la hauteur de leurs engagements et promesses au regard des revendications de leurs électeurs. L’objectif, selon les organisateurs, est « d’asseoir une nouvelle culture politique auprès des citoyens et des partisans, afin de les sensibiliser à la nécessité de la participation active dans l’élaboration des programmes politiques et de la redevabilité des élus». Comment ?
Mme Dalila Msadak, du réseau «Doustourna», s’est exprimée sur la question de la reddition des comptes, en mettant en avant trois axes majeurs : agir en coalition civile et faire pression afin que les revendications des régions soient prises en considération dans la conception des programmes électoraux, leur sérieux et le degré de leur faisabilité, ainsi que la redevabilité politique post-élections par rapport aux engagements pris lors des campagnes électorales. En fait, « ce suivi et ce contrôle des contenus des programmes des partis font partie de notre action associative», prétend-elle, remontant, ainsi, l’histoire de son réseau, créé depuis janvier 2012. Quant au projet «Ntalbek wa nhasbek», Mme Msadak tient à préciser que l’initiative s’étalera sur six ans, couvrant la période avant et après les élections, soit la durée du mandat politique officiel. L’initiative commande une action associative commune et participative, l’ultime but étant d’ancrer une nouvelle culture de la citoyenneté basée sur la conscience politique. De l’avis de M. Abdeljalil Bedoui (Ftdes), il est aussi intéressant, à plus d’un titre, que la société civile soit investie d’une telle mission de portée politique et socioéconomique. Certes, la redevabilité politique dépend d’une responsabilité partagée, a-t-il estimé. Et d’ajouter que ces principes sociétaux composent avec ceux que le Ftdes n’a cessé de défendre au fil des ans. « Aujourd’hui que ce projet est là, nous ne manquons pas à y adhérer pleinement pour une culture politique nouvelle.. », s’engage-t-il, sans oublier de contribuer à sa réussite. La représentante de l’ONG « Oxefam », Mme Manel Warda, a mis l’accent sur le nouveau rapport gouvernant-gouverné fondé essentiellement sur la confiance mutuelle et la transparence, ce qui rend efficace la redevabilité politique. Pour elle, les élections sont le moment opportun susceptible de juger le rendement des candidats et faire en sorte qu’un forum de dialogue soit ouvert sur le devenir du pays.
Mais ces politiques élus seront-ils en mesure de respecter leurs promesses des élections du 23 octobre 2011 ? M. Jilani Hammami, porte-parole du Parti des travailleurs, estime que ce n’est pas toujours le cas. Certains partis tiennent leurs promesses contrairement à d’autres qui n’en font que de la poudre aux yeux. « Seul le pauvre citoyen dont le niveau de conscience est au bas est perdant, alors qu’en principe l’électeur est censé être au parfum des orientations idéologiques du parti auquel il adhère», a-t-il souligné. Après les élections, serait-il possible d’appliquer les mécanismes de la redevabilité politique ? Quant à M. Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakattol, il voit les choses autrement, surtout que le prochain gouvernement serait de coalition, donc de consensus. D’où la mise en œuvre des programmes communs devrait se faire de façon consensuelle. La redevabilité demeure ainsi difficile à atteindre.
Inspirée de l’exemple réussi en Ouganda, l’initiative tunisienne d’aller dans la logique de la redevabilité politique est partie sur l’approche fondamentale consacrant les élections comme un processus plutôt qu’un résultat. Les programmes socioéconomiques seront une base permettant aux citoyens tunisiens d’exiger la redevabilité politique. C’est là un enjeu démocratique à gagner.
Lapresse.tn