Incitations fiscales et primes à tout va
02/02/2017
Le projet de loi réformant le système des incitations fiscales à l’investissement vient d’être adopté. Il ne constitue qu’un pan d’une réforme de toutes les autres formules d’incitations, comme les subventions et les primes ou encore les prises en charge par l’Etat des contributions aux régimes de sécurité sociale.
L’histoire peut sembler puérile, elle n’en reflète pas moins un art consommé de la cohérence. Lors de la présentation du code de l’impôt des personnes physiques et l’impôt sur les sociétés, celui-là même qui régit notre actuelle législation fiscale directe, au début des années 1990, on avait interrogé son père-fondateur, Hassen Dachraoui qui est d’ailleurs le père-fondateur de notre système fiscale actuel, dans la mesure où il fut également le père de la TVA en Tunisie et de notre législation en matière de droits d’enregistrement ; on l’avait ingénument interrogé sur les raisons pour lesquelles il a limité les abattements pour enfants à charge dans la déclaration de revenu des personnes physiques, à seulement 3 enfants.
Sa réponse fut d’une cinglante évidence : parce qu’au-delà de 3 enfants, cela irait à l’encontre des objectifs de la politique de planning familial du pays, a-t-il tout simplement répondu. La même démarche régit d’ailleurs les allocations familiales servies par nos caisses de sécurité sociale. En effet, l’aide trimestrielle que fournissent les caisses sociales aux ménages ayant des enfants à charge est strictement limitée aux trois premiers enfants, pas plus. Tout cela pour dire, ou plutôt rappeler, que ce genre d’approche, on ne peut plus pragmatique, évite opportunément toute sorte d’errements.
Il faudrait espérer que le projet de loi de réforme des incitations fiscales, adopté mercredi 1erfévrier 2016, par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), obéisse à cette démarche. Certes, il est déjà heureux qu’on réforme notre système d’incitations fiscales tant les résultats qu’il affiche sont sans commune mesure avec l’effort consenti. Chaque année, les incitations fiscales et autres avantages financiers accordés par l’Etat pour impulser l’investissement, l’emploi, l’exportation et le développement régional atteignent des montants considérables. Depuis 2010, les avantages fiscaux et financiers accordés par les pouvoirs publics pour soutenir le développement socioéconomique du pays représentent, bon an mal an, 1,4 milliards de dinars. Cela équivaut à environ 8% des ressources fiscales annuelles de l’Etat et près de 10% de l’investissement global annuel du pays.
Malheureusement, cela n’a pas permis de relancer la croissance, ni de fouetter les exportations, ni de dynamiser les régions intérieures. Si l’on s’en tient uniquement au critère d’emploi, cela signifie que, durant ces dernières années, l’Etat aurait contribué à hauteur de 30 000 dinars environ pour chaque emploi créé. Pire encore, cela représente l’équivalent de 30 000 dinars pour chaque création nette d’emploi. A l’évidence, la réforme du système était nécessaire à la fois d’un point de vue d’efficacité économique et de saine gestion des finances publiques.
Cependant, le projet de loi précité ne concerne que le volet fiscal des incitations. Il n’aborde pas le volet social, c’est-à-dire les mesures d’exonération et autres de prise en charge par l’Etat aux régimes sociaux pour stimuler la création d’emploi. Il n’aborde pas le volet des primes : prime à l’investissement, prime à l’exportation, prime au développement régional ou prime à l’emploi. Sur cet aspect aussi, une revisite est nécessaire. Elle est d’autant plus nécessaire au regard des ressources financières de l’Etat et du principe de cohérence dans l’utilisation des deniers publics.
Un exemple suffit pour illustrer le propos : les primes à l’investissement. Dans certains cas et situation, leurs octrois mériteraient d’être plus sélectifs ou mieux ciblés. Est-il logique d’accorder indifféremment la même prime pour un investissement d’acquisition de biens ou d’équipements fabriqués localement et pour un investissement d’acquisition de ces mêmes biens ou équipements lorsqu’ils sont importés ? Ne voit-on pas là une forme de subvention à l’importation et une fragilisation de notre tissu industriel ?
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