Investissement : Tout n’est pas mauvais en Tunisie !
25/11/2016
Une grève générale de la fonction publique décrétée par l’UGTT en décembre, des taxis en grève, une manifestation de professeurs du secondaire prévue à la Kasbah…voilà comment la Tunisie se prépare à accueillir la conférence internationale pour l’investissement les 29 et 30 novembre 2016. Toutefois, il n’y a pas que de mauvais signaux, même si ces derniers semblent être plus nombreux.
Elle arrive enfin ! La conférence internationale pour l’investissement ou « Tunisia 2020 » se tiendra à Tunis les mardi 29 et mercredi 30 novembre dans un hôtel du centre ville. L’idée avait d’abord germé dans l’esprit de l’ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim. Aujourd’hui, elle se concrétise après que le pays soit passé par un changement de gouvernement. C’est Fadhel Abdelkefi qui a succédé à Yassine Brahim au ministère et il s’échine à faire réussir cette grand-messe des investisseurs où la Tunisie devra, principalement, regagner la confiance des investisseurs et donner une bonne image. C’est ce qu’a expliqué M. Abdelkefi dans une interview accordée à Business News où il confiait : « Notre objectif, c’est d’avoir 1500 décideurs mondiaux qui viendront pour voir que la Tunisie a changé, que le cadre légal a changé, que le gouvernement a changé et que nous avons un nouveau et jeune chef de gouvernement. Que nous sommes en train de travailler sur la loi d’urgence économique et que nous sommes déterminés cette fois, au bout de cinq ans de politique politicienne, à mettre le focus sur l’économie et à résoudre les problèmes ».
Toutefois, cela ne sera pas facile. Aujourd’hui même, une rencontre, que l’on peut qualifier de décisive, doit avoir lieu entre le chef du gouvernement, Youssef Chahed, et le secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abassi, afin de trouver une solution au problème des augmentations de salaire dans la fonction publique. Il s’agira également de tenter de trouver un arrangement qui pourra faire annuler la grève générale de la fonction publique qui est annoncée pour le 8 décembre 2016.
Il existe également des réserves sur la situation politique en Tunisie. L’état de déliquescence totale que connait le parti qui a gagné les élections de 2014, Nidaa Tounes, peut être un facteur d’inquiétude pour les éventuels investisseurs étrangers. L’union nationale supposée offrir une « ceinture politique » au gouvernement de Youssef Chahed semble se déliter particulièrement à l’occasion des débats autour de la Loi de finances 2017. Par ailleurs, le cadre législatif tunisien souffre de certaines lacunes qui pourraient refroidir les ardeurs de certains investisseurs. Il y a également les tensions sociales qui engendrent des actes de vandalisme ou des actions de protestation. Il est certain que les investisseurs seraient rebutés par la perspective de routes coupées ou d’usines bloquées.
Au niveau organisationnel, il existe des couacs notables, notamment au niveau de la médiatisation. Le consortium Arjil, chargé de la promotion de « Tunisia 2020 », semble tâtonner dans cet exercice. Les accréditations médias sont restreintes et ne sont, ni en nombre suffisant, ni dans les délais raisonnables. Il a fallu que les présidences de la République et du gouvernement entrent en jeu pour trouver des accords avec les représentants des médias tunisiens (FTDJ et SNJT). Ne pas prévoir une salle de presse conséquente et cohérente avec l’ampleur de l’évènement est une omission qui risque de mettre à mal la si importante médiatisation de l’évènement. Par ailleurs, la communication digitale autour de cet évènement est largement défaillante (site web, Facebook, Twitter…). Il faut rappeler que des doutes subsistent sur les conditions dans lesquelles le groupement Arjil a décroché le marché de la conférence internationale pour l’investissement.
Cependant, il n’y a pas que du négatif. Fadhel Abdelkefi et ses équipes du ministère de la Coopération internationale ont abattu un travail de titan en vue de préparer cette conférence. Il a, notamment, fait une tournée internationale dans plusieurs capitales occidentales pour faire, lui-même, la promotion de cet évènement. Même s’il avoue avoir pris le train en marche, Fadhel Abdelkefi déclare : « Quand j’ai été parachuté, ma réception a été très bonne. J’ai été extrêmement bien accueilli et la mayonnaise a très vite pris. J’ai trouvé ici un cabinet très compétent avec des gens dévoués. Un vrai ministère d’élite. D’ailleurs, je n’ai amené personne avec moi et j’ai gardé l’équipe en place ».
Il y a également le travail abattu par les deux co-commissaires généraux de la conférence, Hazem Ben Gacem et Mourad Fradi. Ce dernier, également président de la chambre tuniso-italienne de commerce et d’industrie (CTICI) a été particulièrement actif sur la scène médiatique pour expliquer les objectifs de cette conférence pour l’investissement. Il est notamment parvenu à lever tout amalgame entre aumônes et investissements, entre aide et coopération.
Le nombre et la qualité des délégations attendues en Tunisie est également l’un des éléments les plus importants pour la réussite de cette conférence. Il est confirmé que la France sera fortement représentée notamment par la présence du Premier ministre, Manuel Valls. Au total, il s’agit d’une quarantaine de délégations étrangères qui sont attendues à Tunis, dont les présidents des institutions financières mondiales, l’émir du Qatar et le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal. Il y aura également des délégations venant de Chine, du Japon et de Corée notamment.
L’ancien chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, y est allé également de son coup de pouce en vue de cette conférence. Dans le cadre du Club de Madrid, dont M. Jomâa est membre, une initiative appelée « Inspiring Tunisia » vise à condenser les efforts pour faire réussir la conférence pour l’investissement. Il s’agit d’une déclaration exhortant les membres du Club à transformer les paroles en actes et qui les incite à mettre tous leurs réseaux au service de la réussite de la conférence en Tunisie.
La conférence qui doit avoir lieu mardi et mercredi est un rendez-vous d’une importance cruciale pour la Tunisie. En effet, l’ampleur de cet évènement n’est pas cantonnée à la réalisation des projets qui y seront proposés et discutés. Il s’agira surtout de montrer que la Tunisie est sur la bonne voie en matière de responsabilité, de gouvernance, de conscience des difficultés. Il s’agira de montrer l’image d’un pays qui a besoin d’un petit coup de pouce pour avancer et non celle d’incapables qui attendent les aides et qui engloutissent les prêts. Il faudra donner aux investisseurs des gages et des garanties qui les inciteront à venir en Tunisie malgré les difficultés mondiales et malgré la contraction économique généralisée.
L’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli, a déclaré sur Mosaïque FM le 8 novembre que « nous n’étions pas prêts pour cette conférence et qu’il n’en attendait pas grand-chose ». Il s’agira de montrer qu’il a eu tort.
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