La BCT cible-t-elle réellement l’inflation ?

09/03/2017

Le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a décidé, lors de sa réunion du 2 mars 2017, de « maintenir inchangé son taux directeur ». Le communiqué n’a fournit aucune indication précise sur les raisons du maintien du taux directeur à 4,25%.  En tout cas, ce n’est pas l’examen d’un « rapport sur la gestion des réserves en devises durant 2016 et de la stratégie à adopter dans ce domaine au cours de 2017 », ni « le projet de circulaire aux banques portant sur les conditions générales de la mise en œuvre de la politique monétaire de la Banque centrale » qui éclairera les opérateurs économiques. Certes, l’institut d’émission a pris l’habitude depuis quelques temps d’être succinct dans ses communiqués puisqu’il les accompagnait d’une note de conjoncture à travers laquelle il suggérait les raisons de sa décision de maintenir inchangé son taux directeur. Or, la publication de cette note est devenue irrégulière. Dans ces conditions, il aurait été souhaitable que le Gouverneur de la BCT s’inspire de ces pairs européens qui tiennent systématiquement une rencontre avec les médias à l’issue de chaque réunion mensuelle du Conseil d’administration pour expliciter leurs choix de politique monétaire dans le cadre de son objectif de ciblage de l’inflation. Dernier exemple en date, la Banque centrale européenne (BCE) a publié un communiqué dans lequel l’autorité monétaire européenne indique avoir atteint son objectif de ciblage de l’inflation à 2% pour l’année 2016 dans la zone euro.

 

 

Malheureusement, la BCT ne semble pas avoir eu d’objectif en la matière alors que sa mission fondamentale de ciblage de l’inflation l’y invite, sinon l’y oblige. Elle ne fournit aucun signal sur son objectif d’inflation. Sauf s’il s’agit de considérer que sa prévision d’inflation pour 2017 représente son objectif. Ce qui serait un comble. Dans sa dernière note sur « les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen terme », l’institut d’émission estime, en effet, que la moyenne mensuelle de l’inflation a atteint 3,6% en 2016 et devrait atteindre 4,7%.  Serait-ce là l’objectif d’inflation de la BCT ? La gardienne du temple de la lutte contre l’inflation aurait-elle décidé, ainsi, de laisser filer les prix sans réagir ? Pour sa défense, la BCT indique qu’elle n’a pas totalement prise sur les facteurs de risques sur les perspectives d’évolution de l’inflation que sont notamment les cours internationaux des matières premières ou la hausse des salaires attendue dans le secteur ou bien les augmentations prévues des tarifs de l’électricité et du gaz, du prix de l’essence à la pompe, de l’élargissement de l’assiette de la TVA inscrite dans la loi de finances 2017 et de la hausse des droits de douane sur certains produits. Soit.

 

 

Des indicateurs monétaires préoccupants

Cependant, il lui est hasardeux d’affirmer qu’ « il n’y a pas de pressions inflationnistes significatives d’origine monétaire ». La compilation de certaines données monétaires et financières suggère tout à fait le contraire. La masse de billets et monnaies en circulation (BMC) a dépassé les 10 milliards de dinars, un record historique. Le ratio BMC/PIB dépasse les 10%. Une situation qui n’est pas uniquement due, comme veut l’expliquer la BCT, à l’attrait du Tunisien pour le cash puisque la monnaie scripturale (chèque, effet,…) a enregistré la même tendance. Parallèlement, les opérations de politique monétaire ont également atteint leur plus haut historique. Le volume global de refinancement de la BCT dépasse les 8,5 milliards de dinars. Il est vrai que la démarche de l’autorité monétaire obéit à la logique de réduire la pression sur le taux moyen du marché monétaire afin de maintenir le coût du crédit, et particulièrement celui qui concerne l’investissement, relativement attractif. Sauf que, cela ne semble pas aller dans le bon sens. En effet, l’encours des crédits à court terme octroyés aux entreprises a enregistré, entre 2015 et 2016, une évolution plus rapide que l’encours des crédits à moyen et long termes. Plus encore, l’encours des crédits aux particuliers s’est envolé pour atteindre 20,4 milliards de dinars en 2016 contre 18,5 milliards en 2015. Le volume des crédits à la consommation accordés aux particuliers a presque triplé en 2016 par rapport à 2015, atteignant environ 1 000 MD contre un peu plus de 340 MD. Des crédits de consommation qui, pour une grande part, ont gonflé les importations et par voie de conséquence contribué au glissement du taux de change du dinar et alimenté une inflation importée.

 

Cela étant, on peut légitimement se demander pourquoi l’autorité monétaire s’obstine encore à maintenir inchangé son taux directeur. Face à la surchauffe inflationniste née de la persistance des déficits jumeaux, budgétaire et de paiements courants, n’est-il pas temps pour la BCT de changer son fusil d’épaule dans le ciblage de l’inflation ?

 

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