La confusion des genres
30/04/2017
Par Karim Baklouti Barketallah
Après le 14 janvier nous avons adopté une constitution qui stipule un régime mi-parlementaire, mi-présidentiel. Un régime qui avec des institutions incomplètes en face, ne peut fonctionner normalement. On a alors inventé des mécanismes pour que les choses se passent plus ou moins bien. Le dialogue national d’abord et les accords de Carthage ensuite. Ces deux mécanismes ont permis tour a tour à l’UGTT dans une première étape et ensuite à Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi de prendre le pouvoir.
Les institutions les plus puissantes du pays, à savoir l’assemblée et l’exécutif étant entre les mains de ces deux hommes qui ont compris l’un et l’autre l’intérêt de fonctionner en parfaite symbiose. Leurs partis respectifs ainsi que leurs blocs parlementaires respectifs étant à leurs ordres, leurs accords deviennent de ce fait des décisions qui s’appliquent au pays.
Youssef Chahed, jeune et charismatique chef de gouvernement, plein de bonne volonté est alors nommé avec des pouvoirs constitutionnels des plus élargis mais avec des pouvoirs réels limités aussi bien dans une grande partie des nominations que dans l’exécution de sa mission. Dans sa mission, il jouit cependant d’une certaine liberté mais cette dernière ne peut en aucun cas dépasser le cadre mis en place par les deux hommes les plus puissants du pays.
Quand par exemple un ministre va à l’inauguration d’une boulangerie et atteint à l’image du gouvernement, le chef du gouvernement ne peut qu’observer impuissant. Youssef Chahed est le meilleur chef de gouvernement parmi tous ceux désignés depuis les élections du 23 Octobre 2011. Il est celui qui obéit le moins aux jeux des lobbys et à la pression des partis. Il est celui qui est le plus animé de la meilleure volonté de changer les choses. Il est le plus courageux et le plus téméraire. Mais Youssef Chahed ne peut agir en toute liberté.
Un mélange de genres s’est mis en place. Un pouvoir exécutif dans les textes qui jouit de très grandes prérogatives se retrouve obligé de suivre la politique mise en place par une présidence aux prérogatives bien davantage limitées. On demande à Chahed de faire des miracles mais on laisse faire le parti duquel il est issu quand il le discrédite et l’affaiblit par des déclarations dont le style est, nous semblait-il, dépassé.
Renforcer Youssef Chahed aujourd’hui, c’est aider notre pays à s’en sortir. Youssef Chahed a besoin de choisir ses hommes. Il n’en a véritablement choisi lui même qu’une poignée. Il a besoin de former son équipe et de travailler avec elle sans la nuisance des partis et les interventions des autres pouvoirs. Il a besoin de combattre la corruption sans tenir compte des susceptibilités et des équilibres politiques en place. L’ingérence dans les affaires du gouvernement et ce mélange des genres qui fait que le chef n’est pas vraiment chef handicapera notre pays et fera qu’un jour nous payerons pour jouir de notre propre sécurité.
Karim Baklouti Barketallah
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