La dictature économique, toujours en place !

29/03/2014

Les  lois ayant favorisé l’exclusion et le développement déséquilibré des richesses en faveur du clan Ben Ali demeurent, en grande partie, intactes et en vigueur, affirme la BM.
Plus de trois ans après le soulèvement populaire ayant conduit à la fuite de Ben Ali, la dictature économique est toujours en place, constate la Banque mondiale, suite à une étude dont les résultats ont été rendus publics jeudi dernier. L’étude montre que Ben Ali a bel et bien manipulé les lois pour faire main basse sur l’économie et notamment le secteur privé. Au total, 220 entreprises ont été recensées et confisquées après la Révolution. Elles ont permis à Ben Ali et son clan de bénéficier de 21% des bénéfices du secteur privé à la fin de l’année 2010.
Selon l’étude de la Banque mondiale, intitulée «All in the Family, State Capture in Tunisia», cela a été possible grâce à une batterie de textes de loi adoptés progressivement durant le règne du président déchu. Dans un communiqué rendu public avant-hier et dont une copie est parvenue à La Presse, la BM affirme que «l’examen des données des entreprises et des décrets signés par Ben Ali sur une période de 17 ans prouve que la législation a souvent servi à promouvoir les intérêts du clan et à les protéger de la concurrence. Les données collectées font état de 25 décrets promulgués au cours de cette période qui introduisaient de nouvelles exigences d’autorisation préalable dans 45 secteurs différents et de nouvelles restrictions en matière d’investissements directs étrangers (IDE) dans 28 secteurs. Conséquence : plus d’un cinquième des bénéfices du secteur privé revenait aux entreprises des proches du régime».
Sur cette base, les chercheurs de la Banque mondiale constatent l’exercice d’un « capitalisme de copinage » par le régime déchu. «Nous démontrons que l’action interventionniste de l’Etat dans le secteur industriel profitait à la famille du président et servait en fait à camoufler un système de rentes», souligne Bob Rijkers, chercheur et auteur principal de l’étude.
Dans le même ordre d’idées, l’étude affirme que l’ouverture économique de la Tunisie n’était qu’un mirage, dans la mesure où le développement du secteur privé cachait en réalité des pratiques discriminatoires, d’autant plus que plusieurs domaines étaient fermés à la concurrence et dont l’accès était réservé exclusivement au clan de la famille au pouvoir…
Par ailleurs, l’étude de la Banque mondiale montre que les textes ayant favorisé la mise en place de ce système demeurent encore inchangés jusqu’à aujourd’hui, ce qui constitue « l’un des principaux problèmes de développement auxquels la Tunisie est confrontée aujourd’hui»,  constate Antonio Nucifora, économiste principal de la BM pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, expliquant qu’«à la faveur de la révolution, les Tunisiens se sont débarrassés de l’ex-président Ben Ali et des pires aspects de la corruption, mais les politiques économiques restent largement intactes et sujettes à des abus. Le cadre de politiques publiques hérité de l’ère Ben Ali perpétue l’exclusion sociale et favorise la corruption».
L’étude rappelle, par ailleurs, que les pratiques de Ben Ali et de son clan étaient la source de frustrations notoires et d’une contestation implosive de la population avant l’explosion du 14 janvier.
Cette frustration est, certes, atténuée par l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’instauration d’un climat démocratique dans le pays, mais de larges franges de la population demeurent loin d’être satisfaites, voyant leur niveau de vie se dégrader et leur vécu se compliquer

Lapresse.tn

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