La Tunisie qui se lève tôt

15/02/2017

Nasser est un « barbech ». Il fait partie de ces gens qu’on voit tous les jours trainer des chariots ou sur leurs vélos pour ramasser les récipients en plastique et les boites d’aluminium. Il habite dans un gourbi, de ceux qui existent encore en 2017, n’en déplaise à Youssef Chahed…

 

Nasser sort de chez lui au lever du soleil, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il prend sa petite charrette qu’il tire à bout de bras toute la journée et s’en va faire les poubelles. Il laissera à la « maison » sa femme, aussi vieille que le monde et son fils, handicapé, pour ne rien arranger. Comme le disait Jacques Chirac : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ».

 

Il travaillera toute la journée, jusqu’aux environs de 20h, et il rentrera avec son pactole du jour qui varie entre 10 et 15 dinars. Les bons jours il arrive à se faire une vingtaine de dinars. Cet argent sert à fournir les trois repas du lendemain et quelques boites de médicaments. Nasser est vieux, il est fatigué et souffre de douleurs un peu partout. Mais comme il l’explique si simplement : « Si je ne me bouge pas, on aura tous faim demain ». Implacable logique…

 

L’une des choses qui font le plus plaisir à Nasser, c’est de retrouver les sachets remplis de bouteilles en plastique accrochées aux poubelles. « Ce sont les femmes de ménage qui font ça, elles savent que ce n’est jamais agréable de fouiller dans une poubelle, elles sont comme nous », explique-t-il.

 

Nasser n’a jamais voté de sa vie et la politique ne l’intéresse pas. Il esquisse un sourire quand on lui parle de démocratie et de liberté. Ça peut paraitre bête comme ça mais son seul souci est de manger à sa faim, lui et sa famille, tous les jours. Nasser ne peut pas se permettre d’être malade, ni de rester chez lui.

 

Pourquoi parler de Nasser et de sa situation ? Pour deux raisons. Pour deux types de personnes en fait. A ceux qui se plaignent de tout et de rien, qui sont des privilégiés mais qui ne cessent d’insulter ce pays et de le traiter de « pays de merde ». Même Nasser et ses semblables ne se permettent pas de dire ce genre de choses. Alors, si vraiment vous pensez que la plus belle des vues est celle de la porte des « départs » à l’aéroport de Tunis-Carthage, personne ne vous retient. Allez-y, foutez le camp ! Le pays ne se portera que mieux sans vos indécentes jérémiades ! Ne pas pouvoir garer sa belle voiture à la Marsa pour aller boire un verre dans un hôtel, ce n’est vraiment pas une catastrophe.

 

Maintenant, à nos politiciens : Ayez au moins la décence de respecter la souffrance des autres. Cette « Tunisie qui se lève tôt », se bat tous les jours pour survivre. Ce sont des êtres humains renvoyés à une condition animale. Une condition où l’unique souci est celui de se nourrir ! On sait que vous ne pouvez pas grand-chose pour eux, on sait que la majorité d’entre vous n’y est même pas sensible, non pas par méchanceté mais par simple ignorance, on sait que vous avez passé une majeure partie de votre vie à l’étranger, que vous ne les voyez pas, que vous ne les connaissez pas. Mais de grâce, ne vous foutez pas de leurs gueules en plus ! Il est des misères qui imposent le respect et forcent l’humilité. Gardez à l’esprit que ces gens-là ne vous connaissent pas et ne vous prennent pas au sérieux à cause de votre incompétence et de votre égoïsme. Ne cherchez pas à les provoquer.

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