Le code de l’investissement en analyse chez Afek Tounes
06/10/2016
Plus de deux ans après sa formulation, le projet de loi sur l’investissement est finalement passé devant l’ARP à la mi-septembre pour être adopté avec 114 voix. Une loi qui tombe un mois avant la conférence internationale pour la relance de l’investissement et qui est censée favoriser le climat des affaires en Tunisie.
Ce code attendu par les professionnels depuis la chute du régime de Ben Ali a été le sujet d’un débat hier dans la soirée du mercredi 5 octobre 2016. Organisé par AfekTounes en collaboration avec la fondation Friedrich-Naumann pour la Liberté, l’évènement a été marqué par l’intervention de plusieurs personnalités dont : l’ancien ministre Yassine Brahim, le représentant de l’UTICA, Nafaâ Neifer, le représentant et partenaire du cabinet d’experts Ernest & Young, Noureddine Hajji et l’entrepreneur aux valeurs vertes, Melik Guellaty.
Lors du mot d’ouverture, Ralf Erbel, le représentant résident de la Fondation Friedrich-Naumann en Tunisie a expliqué que cette nouvelle loi est un pas important vers une économie tunisienne « plus efficace, plus ouverte et plus performante ».
« Avec cette nouvelle loi vous êtes en train d’abattre le mur qui tient en otage le dynamisme et la créativité des jeunes de ce pays. Un mur qui a été construit par les Tunisiens eux-mêmes. Il ne faut pas avoir peur du changement ! ».
Loin derrière des pays comme l’Egypte ou le Maroc, la Tunisie est à la traine concernant la part de l’investissement privé dans l’économie. Encore présent dans des secteurs hautement concurrentiels, l’Etat tunisien doit céder la place aux vrais acteurs qui feront en sorte d’élever ces secteurs aux standards internationaux exigés par la compétitivité. Telle a été l’idée exprimée par l’ancien ministre et président d’Afek Tounes, Yassine Brahim.
« Le total des investissements pendant l’année 2015 s’est élevé à 16 milliards de dinars dont 40% proviennent de l’Etat soit 6 milliards, 8 milliards proviennent des investisseurs tunisiens et 2 milliards arrivent de l’étranger ». Le dernier chiffre qualifié de « très faible » par l’ancien ministre est dû à la petite taille et à l’opacité du marché national sachant que de cette somme, 60% sont des investissements dans le secteur pétrolier et gazier. « Aucune valeur ajoutée pour notre tissu économique donc ! ».
M. Brahim a ajouté que sur un échantillon de 660 activités, plus de 160 sont soumises à des autorisations et 130 à des cahiers de charges alors qu’une« économie libre ne peut avoir tant de bureaucratie dans le marché de l’investissement. Il faut réduire les temps d’attente administratifs ! Il faut réformer ! Et cette loi n’est qu’un petit bout de la réforme globale qui doit concerner la fiscalité, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et d’autres domaines encore ».
L’ancien ministre a en outre déclaré que la situation du pays est en train de bouger dans le bon sens car « entre 2014 et 2016 les investissements de l’Etat en infrastructures ont augmenté de 60% et le pays aujourd’hui est en bonne position pour devenir un hub économique régional ».
Il a informé également de la mise en place de primes pour les détenteurs de brevets et pour l’industrialisation sur place dans l’optique d’encourager l’intégration verticale des filières.
Dans son discours, le représentant de l’UTICA a commencé par relever l’insuffisance de cette loi dans la relance de l’investissement, « les décrets manquants dans les textes de cette loi, lié en autres chose à la fiscalité, en font une loi insuffisante pour être mise en application aujourd’hui ! ».
M. Neifer a continué en expliquant que le but de cette loi est de donner une certaine visibilité et procurer de la stabilité aux opérateurs « mais alors que les incitations fiscales n’ont pas été codifiées dans les textes, on remarque dans ces mêmes textes une augmentation de l’impôt de l’ordre de 7,5%. Donc, il a été décidé d’augmenter les impositions faites aux investisseurs étrangers de nouveau par rapport à 2014, tout ça par ce qu’on a des problèmes budgétaires face auxquels les décideurs veulent ramasser à tout va, ces mêmes décideurs qui une fois l’investisseur implanté, vont vouloir imposer des salariés, cadres et salaires ».
Le représentant de la centrale patronale a déclaré qu’il fallait rester cohérent par rapport à la vision de départ.
Noureddine Hajji, associé au cabinet d’expertise Ernst & Young, a déclaré : « Au vu des chiffres présentés par M. Brahim, il devient clair qu’on ne peut tomber plus bas ! Ceci dit, le point positif dans tout ceci est que nous n’avons pas eu des départs significatifs des investisseurs. Ils n’ont néanmoins pas entrepris les extensions prévues de leur activité ! Et ici l’incitation fiscale pourrait jouer un grand rôle ».
M. Hajji a par la suite axé son discours sur les éléments qui pourraient augmenter l’attractivité du marché Tunisie, citant le système judiciaire et les problèmes de célérité en son sein. « La première question auquel un investisseur est confronté lorsqu’il investit à l’étranger c’est : Est-ce que je suis dans un pays où je suis sécurisé par rapport au processus de traitement des conflits ? Dans ce sens, il y a des choses qui ont été faites mais il reste encore beaucoup à faire sur cet aspect ! ».
Il a aussi été question de l’attractivité de l’écosystème dans lequel évoluent les entreprises et du cadre législatif, un élément duquel dépend fortement la capacité de développement et d’innovation de n’importe quelle activité. « L’innovation reste aujourd’hui indéniablement dépendante de la liaison avec le milieu universitaire et ceci est bien entendu du ressort du gouvernement ».
L’expert et associé du cabinet international Ernest & Young a conclu appelant à ce qu’on travaille plus sur la transparence.
L’entrepreneur, Melik Guellaty, a commencé par rappeler que : « Le code des investissements de 1993 a fait de la Tunisie un pays atelier en quelque sorte. Un code qui a servi à lancer une industrie à faible valeur ajoutée ce qui a créé un marché très peu concurrentiel. Dans le nouveau code en revanche, je vois un allègement des procédures administratives avec une sorte d’abolition des cahiers de charges ».
Il a également souligné qu’en créant le guichet unique, on pourra désormais accompagner et encadrer l’investisseur dans sa démarche. « Je rejoins par contre les autres panélistes dans l’idée que le code seul est insuffisant dans la relance de l’investissement ».
En observant le « ranking » des pays les plus riches du monde, apparaissent des pays comme : la Suisse, le Luxembourg, Hong Kong ou Singapour et en mettant de côté les pays pétroliers, on se rend compte que la richesse d’un pays n’est pas liée à sa grande taille mais bien au contraire. Ces petits pays plus riche aujourd’hui que l’Allemagne ou la France ont pu l’être,grâce à leur rapidité à ce mettre à jour et être à la pointe. Ce sont des pays qui sont dynamiques, qui ont une vision et qui ont su profiter des opportunités autour d’eux. Des pays où la culture du travail est bien ancrée et où les gens mettent 3 minutes pour boire un café.
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