Mustapha Kamel Nabli : Avec ce gouvernement, nous sommes en train de revenir à un régime présidentiel !
22/08/2016
L’ancien gouverneur de la Banque Centrale, Mustapha Kamel Nabli, est revenu sur ses inquiétudes pour la Tunisie, dans une interview accordée ce lundi 22 août 2016 à Fares Ben Souilah pour l’émission Expresso sur Express FM.
M. Nabli a tenu à préciser que son intervention, coïncidant avec l’annonce du gouvernement Chahed, n’est en aucun cas une réaction mais une simple coïncidence étant invité à intervenir dans l’émission depuis quelque temps, en rappelant qu’il a exprimé à maintes reprises son avis sur ce qui se passait dans le pays.
Ainsi, l’économiste estime qu’en Tunisie, on se focalise trop sur les personnes et sur les nominations, alors que le concept lui-même de « gouvernement d’union nationale » n’est pas bon : on s’est concentré sur les personnes et non pas sur les problématiques à résoudre, les défis à relever et les solutions à mettre en place.
«C’est dans ce cadre que j’ai exprimé mon avis et mes peurs pour la Tunisie : Nous ne sommes pas en train de résoudre les crises sécuritaire, sociale, économique et bientôt financière mais nous nous intéressons à qui va devenir ministre ou pas et quel parti politique fera partie ou pas du gouvernement», a-t-il expliqué.
Interrogé sur le nouveau gouvernement, Mustapha Kamel Nabli a espéré qu’il réussisse, comme il l’a fait pour les gouvernements précédents, surtout que plusieurs pensent que c’est celui de la dernière chance.
Autre point, M. Nabli explique qu’en comparant ce gouvernement au précédent, il note des points positifs : la présence féminine importante et de qualité, la présence de jeunes, une capacité de communication accrue.
Concernant les points négatifs qui ont conduit à l’échec du gouvernement précédent, il remarque qu’ils se sont aggravés. Premièrement, il constate que ce gouvernement n’a pas un leader politique, alors qu’il n’est pas clair s’il s’agit d’un gouvernement politique ou de technocrates ! Il note que la majorité de ces membres sont apolitiques.
Deuxièmement, il remarque qu’aucun parti politique important n’a un poids dans ce gouvernement (4 ministres Nidaa Tounes sur 26), pour qu’il puisse prendre la responsabilité de la prise du pouvoir : un parti politique qui porte le gouvernement et porte la responsabilité de son programme, sa réussite ou son échec.
Troisièmement, il estime que le gouvernement rassemble plusieurs sensibilités politiques et s’interroge sur la manière dont elles parviendront à s’entendre alors que l’une des raisons de l’échec des deux gouvernements Essid est que les personnalités n’ont pas su travailler ensemble étant d’orientations politiques différentes.
Ainsi, Mustapha Kamel Nabli s’interroge si ce gouvernement sera capable de travailler collectivement, de mettre en place un programme et des réformes et s’il aura le soutien politique nécessaire.
M. Nabli considère qu’avec la mise en place de ce gouvernement, la Tunisie fait son entrée dans un nouveau régime politique : le régime présidentiel. Il estime que ce gouvernement n’est pas issu du parlement mais de la volonté du président de la République. Ceci dit, il explique que seul le temps peut dire si cela est une bonne ou mauvaise chose pour la Tunisie.
Il a refusé de se prononcer sur les personnes nommées au gouvernement mais il s’est demandé si elles ont été choisies selon un programme ou des réformes à accomplir ou juste sur des compétences et un CV.
Il a fait remarquer que la structure du gouvernement est la même que celle d’Essid à part la fusion de deux portefeuilles et que certains pensent que pour parvenir à mettre en place des réformes, il faut une harmonie avec les ministères concernés.
Interrogé sur la performance du ministre sortant Slim Chaker, Mustapha Kamel Nabli a refusé de se prononcer, tout en soulignant que la situation financière est difficile et en rappelant qu’il a demandé qu’une commission d’experts indépendants lève le voile sur la situation réelle des finances publiques (finances de l’Etat, la retraite, les établissements publics, les salaires, etc.) et des risques que court le pays. Il estime que ce rapport aurait dû être la première demande de Youssef Chahed pour qu’il puisse lui et son gouvernement savoir dans quoi ils s’engagent.
Concernant la polémique ayant suivi les informations selon lesquelles les salaires du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et de son vice-gouverneur auraient été augmentés, Mustapha Kamel Nabli considère que rien que l’étude de ce sujet est inacceptable alors qu’on applique sur le citoyen une politique d’austérité : «C’est la responsabilité du conseil d’administration et c’est pour ça que j’ai demandé sa démission, car c’est un scandale et un acte irresponsable !», a-t-il martelé.
Interrogé sur son message à Mme Zribi et M. Chahed, M. Nabli a réclamé la mise en place d’une équipe complète pour la gestion de la situation économique et financière du pays qui a une vision et le courage pour mettre en place les réformes nécessaires : sa priorité sera les finances publiques et ses risques.
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