Paix financière
09/02/2017
Par Mohamed Abdellatif Chaïbi*
Sur fond de statuts BCT et de loi bancaire controversés, d’un code des investissements très grands marchés et très grosses affaires, de vieux corps de métiers en colère et dans la rue ; nos récentes réglementations n’ont été que mal accueillies.
Les fiascos les plus médiatisés restent ceux des légiférassions budgétaires. A chacun de leurs rendez-vous annuels, l’incompréhension et la démoralisation populaires, celles des individus, celles des entreprises, augmentent et croissent. Six ans de post révolution et voilà que la finance, avec toutes ses dérivées et toutes ses annexes, dont la banque, la bourse, la fiscalité et les taxes, réapparait comme étant notre plus grande défaillance nationale de tous les temps.
Détrompons-nous alors si par le vote de la Loi de finances 2017 nous croyons avoir signé une paix sociale. Le croire c’est oublier que tous nos précédents et innombrables pactes, de paix, de progrès, de contrat, furent tous éphémères. Brutalement rompus. De ces pactes, les Tunisiens n’avaient tiré que le triste record de subir deux émeutes tragiques, dix années de Programmes d’Ajustements Structurels maigres et de diète, et la présente difficile révolution.
A l’évidence ; autant que nous tarderions à reprendre les corpus réglementaires parus, autant la chronologie annoncée d’un nouveau désastre social et économique s’accélérerait et nous submergerait.
Négligence arithmétique
Comment aujourd’hui, à Tunis, au lieu de s’atteler à réduire une pression fiscale démesurée, dans les 21% de notre PIB, nous nous agrippons, FMI en premier, aux 13% en salaires des fonctionnaires publics ? Le résultat : les ultimatums et les délais, les polémiques, l’ont de nouveau emporté devant l’argumentaire sérieux et le raisonnement structuré.
C’est que ; sans vouloir les défendre, nos 13% s’intègrent normalement dans la bande des taux similaires OCDE ou EU. Bande de taux similaires qui se trouve en général entre les 10 % à 13% des PIB.
Et puis, si l’on considère les pressions fiscales et les salaires publics en OCDE, qui sont respectivement dans des moyennes globales des tailles des 15% PIB et des 11% PIB ; la basique logique arithmétique nous permettrait même, en Tunisie, d’aller jusqu’à 15 à 16% du PIB en salaires publics !
Ce sont plutôt, donc, nos 21% PIB en pression fiscale, qui sont excessifs. Quelle a été leur contre partie ?
Et le vrai débat fiscal devrait commencer par dire que, avec 21% de PIB prélevés, les Tunisiens, individus, familles, entreprises, ne reçoivent pas la même qualité en services publics que leurs semblables EU ou en OCDE. Toutes proportions gardées, ces amis et semblables qui payent nettement moins que nous en impôts reçoivent plus et mieux en services et en commodités publiques servis et bien entretenus.
A Tunis ; l’objectif fiscal stratégique est de réduire drastiquement les impôts. De concevoir des budgets 2018 – 2022 en convergence décroissante, intelligente et responsable, d’au moins 1% de PIB par exercice. Les sources des ajustements budgétaires sont innombrables et diverses.
Ratage verbal
En décriant certaines professions, en rompant la chaine des remboursements de santé, en éprouvant le public par les successions des infos et des intox fiscales, en faisant montrer les Tunisiens tantôt comme des irresponsables tantôt comme des dépensiers qui jettent leur pain et leurs ordures à travers, les Tunisiens fraudeurs qui refusent d’avoir un n° de patente, les médecins récalcitrants, nous ne faisons que démobiliser les énergies et favoriser les conditions du renforcement du marché parallèle.
Un marché parallèle, florissant à 50% du PIB, liquide, sans patentes. Une patente, en manque de réadaptation, qui vous contraint généralement à passer chaque mois faire la queue et perdre de votre sérénité et temps de gagne pain. Qui vous fait fuir.
Fuir, ne voyons-nous pas que tout le pays fuit ? Les jeunes, filles et garçons, se jettent à la mer. Les diplômés, jeunes et moins jeunes, médecins, chirurgiens, têtes pensantes et matière grises, ils partent aussi et en nombre.
A qui la faute ? Sans doute à notre large corpus réglementaire et d’organisation des métiers et des affaires. Un corpus, matériel et immatériel, écrit et verbal, qui s’est montré incapable de faire éclore et de pérenniser l’environnement financier et bancaire, monétaire, fiscal et légal, intelligent et attractif dont le pays, entreprises et citoyens, a besoin.
La paix sociale, l’adhésion nationale, en dépendent. Autant que nous réussissons à refaire ce corpus pour le rendre attractif, arithmétique intelligente et verbe public humble et adéquat, autant la Tunisie rentrera dans l’économie. Dans l’intelligence de la paix financière.
*Banquier ; Statisticien ISUP-Paris
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