Pénuries et coupures : Les Tunisiens, encore privés d’eau !

26/07/2016

La situation sécuritaire, économique et politique n’est pas uniquement ce qui préoccupe les Tunisiens en cette saison estivale. Les coupures d’eau viennent, également, s’ajouter à la liste des tracas observés en cette période. En effet, l’approvisionnement en eau courante connait, depuis plusieurs jours, d’importantes perturbations dans plusieurs villes tunisiennes, notamment dans la ville côtière et touristique de Sousse. De quoi impacter une saison touristique déjà fragile mais aussi causer d’importants désagréments aux citoyens, surpris par ces coupures à répétition.

En pleine haute saison touristique et comme si le secteur ne connaissait pas suffisamment de difficultés, à la fois financières et sécuritaires, une pénurie d’eau est déclarée de la ville de Sousse. Une communication de la SONEDE, datant du samedi 23 juillet 2016, annonce aux hôteliers que des coupures en eau courante seront programmées jusqu’au 31 août. Coupures qui pourront durer plus de 24 heures dans certains cas. Le district de la SONEDE (Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux) de Hammam Sousse (auquel appartient El Kantaoui faisant partie de la zone touristique de la ville), informe les hôteliers que la distribution en eau connaitra des perturbations jusqu’au 31 août. A cet effet, on les invite à « assurer [leur] consommation journalière [en eau] à travers [leur] propre bâche d’eau durant ladite période, tout en veillant à la garder remplie, pour l’exploiter en cas d’une éventuelle coupure prolongée pouvant dépasser les 24 heures ». Autant dire qu’en pleine haute saison touristique, qui coïncide évidemment avec les fortes chaleurs estivales, les hôtels de la côte tunisienne se retrouveront dans une situation fort indélicate. Ayant déjà du mal à attirer des clients, notamment étrangers, leur réputation pourrait prendre un véritable coup si les directions de ces établissements devait imposer des restrictions en eau à leurs clients, venus exprès de leurs pays pour profiter de la mer et du soleil.

Mais ces coupures ne concernent pas uniquement les hôteliers, les ménages sont tout aussi impactés, même si on ne les prévient pas. En effet, depuis près de 6 jours environ, des coupures d’eau quotidiennes touchent plusieurs zones de la ville de Sousse, et ce tous les soirs jusqu’à très tôt le matin. Les horaires différant en fonction des districts, mais les coupures sont généralisées. Par ailleurs, un groupe de citoyens de Sousse ont coupé, dans la soirée du samedi, la route principale de Tunis, au niveau de l’entrée de la vile de Sidi Bou Ali, protestant contre ces coupures répétées, et sans préavis, en eau du robinet. Mais qu’elle est la raison de ces coupures non annoncées ?

Dans une déclaration accordée aux médias, Adel Belaïd, directeur régional de la SONEDE dans la région de Sousse, a expliqué que la perturbation en eau potable est « essentiellement due aux manques des ressources hydriques ». Il affirme, en effet, que la SONEDE a été obligée de recourir à ces coupures quotidiennes et nocturnes afin de limiter la consommation d’eau des ménages et des hôtels, très importante en cette période de l’année. Le manque ne serait pas uniquement la seule raison, puisqu’une « surconsommation » est également pointée du doigt. Une surconsommation à l’origine de la faiblesse des niveaux d’eau dans la ville et qui justifie également cette mesure devant servir à alerter les citoyens et à les responsabiliser quant à la consommation d’eau. Mais cette mesure est loin d’être suffisante puisqu’appliquée dans des horaires de faible consommation (la nuit). Que prévoit donc la SONEDE, à plus long terme pour palier ces désagréments très handicapants pour les citoyens tunisiens ? Nous avons essayé de joindre la SONEDE pour en savoir plus, mais leur chargée de communication n’a pas répondu à nos appels.

Par ailleurs, la ville de Sousse n’est certes pas la seule concernée par ces coupures. Celles environnantes de Nabeul, Monastir, Mahdia et Sfax, seraient également touchées selon les déclarations de Adel Belaïd. De son côté, le chef du district de la SONEDE à Nabeul, Rabah Mansouri, a affirmé dans une déclaration accordée à Shems Fm, qu’une perturbation de la distribution de l’eau potable, voire même une coupure provisoire, sera observée dans pratiquement tout le gouvernorat de Nabeul, se poursuivra jusqu’au mois d’août. Des coupures principalement dues à la hausse des températures ainsi qu’à la pénurie en eau.

La capitale Tunis, a aussi été impactée le mois dernier. Une perturbation dans l’alimentation en eau potable a été enregistrée le 27 juin de 6h à 15h dans nombreuses localités de Tunis et de Ben Arous. Cette perturbation  due à une panne « inattendue » au niveau de la conduite principale de transfert des eaux située à la cité Ibnou Sina, relevant de la banlieue sud de Tunis.

Dans le même contexte, la SONEDE souligne que ce genre de problèmes concerne 18 systèmes hydrauliques parmi 1408 systèmes gérés par la société nationale et que des pannes ont été constatées dans 17 gouvernorats du pays. Une conférence a été organisée, récemment, au siège du ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydrauliques, sous la présidence du ministre de l’agriculture, Saad Seddik pour examiner la situation des réserves en eaux et en eau potable au courant de la période estivale. Lors de cette rencontre, selon une dépêche de la TAP, la SONEDE a expliqué que jusqu’au 29 juin 2016, 173 pannes en été enregistrées (140 dans les systèmes de l’eau potable et 33 pannes dans les systèmes d’irrigation ) dans 17 gouvernorats et notamment au Kef ( 29 pannes ), à Béja ( 24 pannes), Siliana ( 23 pannes), Jendouba ( 20 pannes), Tozeur ( 12 pannes), Bizerte ( 12 pannes), Nabeul (11 pannes), Kairouan ( 9 pannes), Ben Arous ( 9 pannes) et Sousse ( 8 pannes). Les principales causes seraient des fissures dans les canalisation d’eau (49%) ou des pannes dans les équipements hydromécaniques (30%) ou des circuits d’eau bouchés (9%) ainsi qu’un faible débit (12%).

Force est de souligner, cependant, que ces coupures ne sont pas nouvelles. Elles datent, en effet, de l’année 2012 qui a enregistré un pic alarmant en matière de manque d’approvisionnement en eau courante. Une importante crise généralisée a touché plusieurs villes tunisiennes (Sfax, Gafsa, Djerba, Zazrziz, etc.) qui se sont retrouvées sans eau du robinet pendant des semaines entières et des plans d’urgence avaient été mis en place pour aider les citoyens à subvenir à leurs besoins urgents de consommation d’eau courante, surtout en ces périodes de grosses chaleurs.

On rappellera que le pays se trouve sous le seuil de stress hydrique Avec 450 m3 d’eau par an et par habitant en 2015. Une situation qui risque de se dégrader d’ici à 2030. Estimé à 4 766 millions m3 par an (55 % sont des eaux de surface et 45 % des nappes d’eau souterraine), le potentiel hydrique conventionnel de la Tunisie est, en effet, mobilisé dans sa quasi-totalité. C’est à cet effet, que la Facilité africaine de l’eau (FAE) a donné son feu vert pour un don de 1,4 million d’euros à la Tunisie, destiné à aider le pays à gérer ses ressources en eau de manière équitable, durable et efficiente, indique un communiqué daté du 7 juillet 2016. Ce don servira à mettre en œuvre le projet « Elaboration de la vision et de la stratégie du secteur de l’eau à l’horizon 2050 », dont l’approche de gestion intégrée favorise le développement socioéconomique du pays.

En 2013, Rached Ghannouchi avait déclaré que les Tunisiens devraient être reconnaissants [au gouvernement de l’époque tenu par le nahdhaoui Ali Laârayedh] de trouver de l’eau courante lorsqu’ils ouvrent leur robinet et de l’électricité lorsqu’ils appuient sur les interrupteurs. Et pourtant, l’année 2013 avait, elle aussi, été impactée par des pénuries et des coupures. Des coupures qui se font de plus en plus préoccupantes ces dernières années et sur lesquelles les responsables, et à leur tête la SONEDE, communiquent peu. Autant se poser des questions sur les plans d’urgence prévus pour faire face à de telles pénuries, mais aussi pour assainir et remettre à niveau des équipements plus que jamais vitaux dans un pays pour lequel chaque goute compte.

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