Qu’est ce que la Chine peut offrir à la Tunisie?

24/03/2017

Nous l’avons entendu depuis quelque temps. La Tunisie a décidé la suppression du Visa pour les touristes chinois désirant séjourner en Tunisie pour une durée allant jusqu’à 90 jours. Une décision imminente mais bien tardive de nos autorités, couplée à l’adoption du Yuan Chinois dans le panier des réserves de devises de la Banque Centrale Tunisienne dès le 1er Février 2017. Ainsi, les touristes Chinois n’auront plus à acquérir des Euros ou Dollars avant de se rendre en Tunisie, et pourront librement échanger leur Renminbi en Dinars Tunisiens tout le long de leurs séjours.

D’accord, mais est-ce suffisant? Le poids des mesures entreprises par l’État Tunisien est-il en phase avec le potentiel du géant Asiatique?

La Chine en Chiffres:

L’empire du Milieu est la deuxième économie mondiale en termes de PIB, et premier contributeur au PIB mondial avec une part de 17,3% devançant les États-Unis qui enregistrent 15,8%. La Chine est le pays le plus peuplé de la planète, le premier exportateur mondial et notamment le premier fournisseur des États-Unis. Plus étonnant que cela, c’est le pays qui détient les plus grandes réserves en or et devises étrangères avec 3 trillions et 970 milliards de dollars américains, très loin devant le Japon, les États-Unis et tous les pays du Golfe. Tous ces indicateurs doublés d’une balance commerciale excédentaire nous mènent à faire l’ultime déduction que la Chine est un pays en surliquidité, et les pays en surliquidité ne cherchent qu’à placer leur argent. Ce n’est pas un hasard puisque même en géopolitique, le terme “Chinafrique” est presque autant à la mode que la “Françafrique”.

La Chine en Afrique et le miracle de l’infrastructure:

“Pour s’enrichir, il faut en premier lieu construire des routes”, selon un proverbe chinois.

L’infrastructure constitue la base du développement économique d’un pays et un des forts déterminants vecteurs de l’investissement étranger. C’est aussi l’un des maillons faibles de notre économie nationale, et un des handicaps au développement. L’expansion de l’économie chinoise en est en tout cas une preuve percutante de leur expertise géante en matière de construction: ponts et chaussée, autoroutes, ports commerciaux, transport public….etc.

Des villes du 22ème siècle comme Shenzhen où j’ai vécu pendant deux années, enregistrent les croissances les plus rapides au monde. En parallèle, la Chine a su positionner dans un continent Africain pourtant criblé de guerres civiles, s’accaparant près de 50% des IDE du continent. (Investissements Directs Etrangers)

Une étude menée par David Dollar et Wenjie Chen en 2015 et publiée par le Brookings Institution explique les critères qui rentrent dans le choix de la Chine pour investir dans un pays. Les deux conclusions majeures qui en sortent affirment que la Chine s’intéresse beaucoup à la stabilité politique du pays. Un volume dominant de l’investissement s’appuie surtout sur des accords d’État à État. Et contrairement à ce que l’on croit, plus de 60% des deals investis en Afrique touchent le secteur des services, notamment les services d’affaires avec 1053 contrats, chassant ainsi l’idée reçue sur l’attractivité des pays exclusivement riches en ressources naturelles abondantes.

Quel rang occupe la Tunisie ?

La Tunisie est le 41ème pays en Afrique sur 51 à accueillir des IDE chinois en moyenne sur une période s’étalant entre 2003 et 2015 selon la même étude, avec 1,12 millions de dollars par an, très loin derrière l’Afrique du Sud par exemple qui bénéficie de 411 millions de dollars par an, et 7 fois moins que le Maroc qui fait tourner 7,9 millions de dollars d’investissement chinois. Sans aucun doute, nous ne faisons encore de la concurrence à personne.

La main d’œuvre et les idées reçues:

Plusieurs avancent l’argument que les investisseurs chinois ramènent généralement leur main d’œuvre dans le pays hôte limitant ainsi la création d’emploi. Pour élaborer ce point, il faut savoir que délocaliser un travailleur Chinois outre-mer ne coûte plus forcément moins cher que d’employer un travailleur local étant donnée la hausse rapide du niveau de vie en Chine. En outre, la plupart des entreprises chinoises publiques offrent aujourd’hui des allocations de voyage et plusieurs autres compensations en nature pour leurs employés d’outre-mer en plus de leurs salaires, tels que des villas bien gardées, des installations de divertissement et de la cuisine chinoise quotidienne.

Une des principales raisons qui pousseraient les investisseurs chinois à envoyer leurs ouvriers c’est la très haute productivité de leur main d’œuvre et leur habilitation à travailler des heures supplémentaires sans former des syndicats, mais aussi surtout pour assurer ce qu’on appelle le transfert technologique précisément quand le capital humain du pays hôte est peu attractif. Encore est-il, le pourcentage de travailleurs chinois dans un pays hôte varie significativement de pays en pays, et demeure parfois très faible; “2% seulement de chinois” rapporte un responsable du géant mondial de la construction “China State Construction and Engineering” implanté aux Bahamas.

Un appel d’urgence au plus haut symbole de l’exécutif Tunisien!

Le pragmatisme économique chinois valorise amplement les relations diplomatiques et bilatérales. C’est en effet une caractéristique purement culturelle que les amateurs de la civilisation chinoise connaissent très bien, celle de l’importance du protocole et des procédés dans toutes les actions que les Chinois entreprennent. D’ailleurs, l’étude ci-dessus le confirme en concluant que la plupart des investissements chinois vers l’étranger reposent sur des accords d’Etat à Etat.

C’est dans ce cadre que nous nous demandons à quel niveau les autorités Tunisiennes sont-elles prêtes à hisser les relations diplomatiques sino-tunisiennes? En d’autres termes, quand est-ce que le Président de la République Béji Caïd Essebsi et son cabinet auront la clairvoyance d’envisager une visite d’Etat prestigieuse à la République Populaire de Chine et rencontrer son homologue Xi Jinping?

Une telle visite serait le tournant majeur des relations sino-tunisiennes, et pourrait être la source de centaines de projets d’infrastructures ultra géants et dans les meilleures des conditions. Ceci nous démarquera essentiellement des promesses et tentatives chétives de nos partenaires habituels surendettés de la zone Euro.

En même temps, laisser filer une telle opportunité de s’allier à un partenaire économique géant et pragmatique peut témoigner d’une naïveté et d’une passivité diplomatiques qui sous-estiment l’importance géostratégique de la Tunisie et l’intérêt que pourrait avoir la Chine à faire de la Tunisie un véritable relais entre l’Afrique et l’Europe. A défaut d’initiative, la Chine se tournera très naturellement vers le Maroc, où le roi Mohamed VI utilise d’ores et déjà toutes ses cartes, annonçant dernièrement l’implantation d’une zone industrielle à Tanger composée de 200 sociétés chinoises et qui offrira près de 100,000 emplois aux marocains.

Mais pendant ce temps là, nos ministres et nos secrétaires d’Etats préfèrent continuer à s’agripper vainement à des méga-projets beaucoup plus irréalistes et barbants que révolutionnaires, vendus par des investisseurs peu sérieux tantôt Emiratis et tantôt Qataris, et dont le coup d’envoi n’aura vraisemblablement jamais lieu.

Relations Sino-Tunisiennes en bref :

  • Le 10 janvier 1964, S.E.M. Zhou Enlai, premier ministre chinois signe sur l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Tunisie.
  • En avril 1991, Zine El Abidine Ben Ali effectue une visite d’Etat en Chine.
  • En juillet 1992, S.E.M. Yang Shangkun, Président chinois effectue une visite d’Etat en Tunisie.
  • En avril 2002, S.E.M. Jiang Zemin, Président chinois effectue une visite d’Etat en Tunisie.

 

www.huffpostmaghreb.com

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