S’il y a un danger pour le pays, BCE interviendra… Qu’il intervienne alors !

21/03/2017

La Tunisie a célébré hier sa fête de l’indépendance, Joyeuse fête de l’Indépendance alors à tous les Tunisiens, en attendant que l’on soit totalement indépendants des autres colons. Entre les arabes qui nous ont colonisés, il y a 15 siècles, les divers créanciers, le joug islamiste, l’analphabétisme, la fainéantise ou l’incivisme, les Tunisiens ont encore du chemin pour devenir totalement libres.

 

A l’actualité cette semaine, précédant la fête de l’indépendance, la visite de Cheikha Mozah en Tunisie. La princesse a été reçue comme une princesse par le président de la République et le chef du gouvernement. Elle a, semble-t-il, beaucoup de projets pour notre pays. Elle veut aider cette jeune démocratie naissante, la première (semble-t-il encore) du monde arabe. On a bien envie de rappeler le dicton « charité bien ordonnée commence par soi-même », aussi bien à la princesse qu’à sa chaîne TV Al Jazeera par qui bien de malheurs sont arrivés à la Tunisie.

 

La coutume veut que la fête de l’indépendance coïncide avec une allocution solennelle du président de la République au palais de Carthage. Pour cette année, le chef de l’Etat a choisi de donner une interview à la télé publique et d’organiser une réception au palais. On a pris soin, dans la foulée, d’en écarter ceux qui n’ont pas été «obéissants » au cours des derniers mois. Le retour aux anciennes méthodes du bâton et de la carotte ? Ça en a l’air…

De l’interview accordée à l’excellent Mourad Zeghidi, quoiqu’en disent ceux qui sont derrière leur écran, je retiens cette phrase de Béji Caïd Essebsi : « S’il y a un danger pour le pays, j’interviendrai ! ».

Pléonasme, car on n’en attend pas moins d’un président de la République. Le souci est que l’on estime qu’il y a bel et bien un danger et que son intervention directe et forte est de plus en plus souhaitée. Que le président de la République estime qu’il n’y a pas encore de danger prouve qu’il est isolé ou/et qu’on ne lui fasse pas parvenir les bonnes informations.

 

Si le danger du court terme, relatif au terrorisme, est éloigné (mais pas encore écarté), il y a des dangers sur les moyen et long termes qui nous guettent et qui s’infiltrent en silence, comme une tumeur cancéreuse s’infiltre dans un corps. On ne s’en aperçoit que lorsqu’il est déjà trop tard.

 

A Nidaa, tout d’abord, BCE prend pour de l’argent comptant ce qu’on lui dit à propos de ce qui s’y passe. A commencer par la députée Leila Chettaoui accusée d’être derrière les fuites des enregistrements d’une réunion du parti. Faux !

Quel rapport entre le parti fondé par le président et le danger guettant le pays ? Sa composition actuelle est des plus inquiétantes. Son infiltration indirecte par des chefs de lobbys puissants n’augure rien de bon. Ces chefs de lobbys usent de langage guerrier rappelant celui des mafias, au risque de voir la Tunisie ressembler à l’Italie des années 70-90. Cette route ne peut qu’être émaillée de sang et on n’en veut pas. Dhafer Néji, responsable de la communication de l’ancien chef du gouvernement Habib Essid a tiré la sonnette d’alarme et il n’a pas tort. Ces mêmes chefs de lobbys affichent publiquement leur proximité avec des chefs de lobbys libyens dont l’idéologie est à l’exact opposé de ceux avec qui l’Etat tunisien est en train de discuter pour résoudre l’épineux problème libyen. Le risque de ramener la guerre libo-libyenne est important et on n’en veut pas !

 

Troisième souci avec Nidaa, son infiltration par des chefs religieux alors que le président de la République et l’écrasante majorité de ses électeurs (pour ne pas dire 100% de ses électeurs) crient sur tous les toits qu’il faut éloigner la religion de la politique. Le parti islamiste Ennahdha joue le jeu avec une superbe hypocrisie et a séparé, en façade, le travail de prédication du travail politique. Que Nidaa fasse l’inverse et ramène lui-même le ver dans le fruit, est on ne peut plus dangereux.

Quel rapport entre le parti fondé par le président et le danger guettant le pays ? Ainsi infiltré, Nidaa ne peut qu’imploser ouvrant, du coup, la voie au seul et unique parti véritablement organisé et structuré, qu’est Ennahdha. Il ne faudra pas attendre longtemps pour le voir de nouveau parler de califat et de chariâa…

 

L’autre danger qui guette la Tunisie est l’UGTT. Non pas l’UGTT en tant que centrale, mais en tant que structures. Les dirigeants sectoriels échappent de plus en plus à la centrale et font preuve d’une indiscipline qui risque de mener la centrale et le pays à la dérive. Le meilleur exemple est ce qui se passe au sein du syndicat de l’Education où l’on a un Lassâad Yaâcoubi (incapable de rédiger un post FB sans y glisser des fautes) menacer de grève ouverte si l’on ne limoge pas le ministre !

Aucun syndicat au monde n’oserait une telle menace s’il avait en face de lui un Etat fort. Or l’Etat est en déliquescence et BCE a été élu pour redorer son blason et son prestige. C’était plus qu’une promesse électorale, c’était le fondement même de sa campagne !

Qu’aurait fait un Etat fort face à un syndicat qui dépasse les limites de l’entendement et enfreint ouvertement la loi ? Il faut simplement appliquer la loi en prenant à témoin l’opinion publique et la centrale. Cela va du blocage des salaires des jours de grève à l’application de l’article 107 du code pénal : « Le concert arrêté entre deux ou plusieurs fonctionnaires ou assimilés en vue de faire obstacle par voie de démission collective ou autrement, à l’exécution des lois ou d’un service public, est puni de l’emprisonnement pendant deux ans.  Cette disposition ne fait pas obstacle à l’exercice, par les agents publics, du droit syndical, pour la défense de leurs intérêts corporatifs, dans le cadre des lois qui le réglementent ».

 

Dernier et plus gros danger qui guette le pays, la corruption. Qu’a fait BCE pour lutter contre la corruption ? Pas grand-chose pour le moment. Et même la loi de l’enrichissement illicite en cours de préparation ne pourra pas grand-chose tant qu’il n’y a pas de véritable volonté politique pour endiguer ce mal endémique. Les gros bonnets et les gros poissons continuent à jouir d’impunité, il suffit de voir le commerce informel dans le pays. Les partis et dirigeants politiques censés être le modèle d’exemplarité (pardonnez-moi cette blague) sont les premiers à donner le contre-exemple de la nécessité de transparence dans la vie publique. Personne ne s’interroge sur l’enrichissement soudain des députés et de certains hauts fonctionnaires de l’Etat. Ennahdha, parti tout-puissant, a été attrapé la semaine dernière la main dans le sac et documents à l’appui de transfert de devises au profit d’une boite de communication américaine. A l’exception de deux-trois médias, qui a bougé suite à cette révélation ? Ni le ministère public, ni le ministère des Finances, ni la BCT, ni BCE et certainement pas les partis, se disant propres et intègres,qui luttent contre la corruption en fonction de la tête du client.

 

BCE ne veut pas fragiliser son partenaire au pouvoir ? C’est pourtant bien Ennahdha qui est derrière les grabuges à l’Education (selon le témoignage de Néji Jelloul), c’est bel et bien Ennahdha qui est derrière le début d’implosion de Nidaa et c’est bel et bien Ennahdha qui profite le plus de la fragilisation de l’Etat. Une fois ses adversaires battus, le parti islamiste peut faire main basse sur le pays et l’ « erdoganiser » pour de bon et pour longtemps.

BCE dit qu’il est optimiste pour la Tunisie et je le suis également, mais il y a de véritables dangers qui guettent ce pays et nécessitent son intervention immédiate pour que cet optimisme perdure et se concrétise dans la réalité.

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