Tunisie : La culture est notre richesse

07/07/2017

Par Lotfi ZITOUN

 

On ne peut naître à la Médina de Tunis et ne pas être imbibé de culture, de poésie, de théâtre et de musique. J’ai grandi à Beb Mnara, un quartier où chaque ruelle, chaque maison trimballait son histoire derrière elle. Le café de Beb Mnara (9ahwet el banka el 3eryena) où le grand cheikh el Arbi el Kabadi , une des figures emblématiques du mouvement TAHT ESSOUR , réunissait les plus grands artistes de cette époque.

 

Mon quartier a vu naitre le père de la sociologie moderne Ibn Khaldoun, il a vu passer des dizaines d’artistes, de libres penseurs, un melting-pot culturel, qui ne cesse toujours de nous impressionner aujourd’hui.

 

 

De Fatma Boussaha à Naceur Khmir, de Klay BBJ à Mohamed Driss, de Salah El khmisi à Bendir Man en passant par Kafon,

c’est cette Tunisie qu’il faut amplifier pour retrouver  notre “vivre ensemble”.

 

Une Tunisie retrouvant, grâce à un climat de liberté, sa vocation de terre de culture surtout que notre pays ne dispose pas d’énormes richesses, ou de force matérielle. Notre richesse est essentiellement d’ordre culturel.

 

Mais qu’est ce qu’il manque à notre culture pour pouvoir rayonner à travers  le monde ?

 

La question est très complexe pour être traitée  dans un simple article. Mais je sais pertinemment qu’avec quelques mesures simples, la Tunisie pourra faire de  la culture un secteur vital mais surtout lucratif.

 

La culture contribue sept fois plus au PIB français que l’industrie automobile avec 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée par an. Son coût total pour la collectivité approche 21,5 milliards d’euros.

 

Les pays voisins comme le Maroc ont compris cet enjeu primordial et ont beaucoup investi dans ce secteur stratégique.

 

La jeunesse tunisienne est le maillon faible de la culture. Des rappeurs aux différentes expressions artistiques, avec des fanbases  par centaines de milliers et qui récoltent des millions de vues sur Youtube,  financent seuls leurs clips, s’autoproduisent et voient leurs œuvres reprises par les médias ou des sociétés privées sans aucun droit.

 

Pourtant ils continuent. Ces battants sont l’avenir de notre pays, et nous devons nous battre pour eux. Je préfère mille fois un jeune artiste qui touche des millions de jeunes à un spectacle qui ne serait vu qu’une fois en ouverture d’un festival.

 

Des DJs et producteurs tunisiens voient leur chansons mixées par les plus grands DJs du monde, ont des invitations des plus grands festivals mais ne peuvent pas quitter le territoire car ils ne peuvent pas avoir de visa, manque de statut professionnel.

 

La Turquie a fait de son histoire un marché énorme, quand on regarde le feuilleton Ortugul ou Harim Soltan, les moyens qui y sont investis ne sont rien comparés à ce que ça rapporte. On a des dizaines de belles histoires à raconter au monde, nous sommes le pays de Ibn Khaldoun, de Abi al Hasan Achadli, des Hafsides, de l’illustre Hannibal, de la culture berbère, andalouse, latine, ottomane, arabo-musulmane. Nous sommes tout ça.

 

Des graffeurs ont vu leur œuvres recouvertes par de la peinture blanche (comme le cas tag store).

Il y a une autre Tunisie, la Tunisie des quartiers, des jeunes qu’on marginalise, qu’on doit voir, qu’on doit aider à aller vers le monde. Comment ?

 

Imposons des droits d’auteurs, pour que les artistes aient le retour de leur travail parce que l’art est une vocation mais aussi un métier.

 

Imposons les droits voisins, quand je vois  mon ami de longue date le plus érudit des acteurs tunisiens Fathi Haddaoui qui ne possède ni maison ni même une voiture décente ou mon voisin le grand Slim Mahfoudh (Houssi dans « choufli hall ») dans son état, alors que leurs feuilletons passent 12/12 tout au long de l’année, ça me révolte.

 

Quand je vois des émissions télé et radio prendre la musique de jeunes artistes et l’utiliser sans aucune vergogne, je me dis il faut que ça cesse.

 

Il doit y avoir en Tunisie une loi semblable à la loi Jack Lang (la loi qui impose un pourcentage de chansons locales dans les radios) qui doit être exécutée, on veut entendre un minimum de 50 pour cent de chansons tunisiennes dans nos radios et télés.

 

Encourageons les hommes d’affaires à investir dans la culture en les exonérant d’impôts afin qu’ils participent à l’essor de la culture de notre pays.

 

Utilisions la gloire d’Hannibal, la grandeur de la mosquée Zitouna, la beauté de la médina mille fois plus authentique que la plupart des médinas à travers le monde.

 

Faisons sortir les tableaux achetés par le ministère qui sont à l’abandon comme me l’expliquait M’Hamed Ressaïssi, le dernier de l’école de Tunis, et créons  la “Tunisian Gallery”  ou le “Louvre” tunisien.

Aidons les jeunes cinéastes à obtenir des subventions, pour qu’ils aient les moyens de montrer notre Tunisie sous son meilleur angle, où il y aurait une « maison de la sagesse » qui pourrait rassembler les penseurs, les hommes de culture, où il y aurait des discussions menées en toute liberté , une Tunisie dont le climat de liberté pourrait rivaliser avec celui des pays où l’expression est la plus libre, un pays favorisant toute  production cinématographique, lui qui dispose d’une des plus belles lumières du monde..

 businessnews.com.tn

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