Un pont entre la Tunisie et l’Italie, du rêve des ingénieurs à la réalité des politiques !

19/09/2017

En Tunisie, on entend parler, depuis quelques temps, d’un pont qui relierait le Cap Bon à la Sicile. Il s’agit du projet « TuneiT ». Un pont de 145 Km de long qui passerait par 4 îlesartificielles. Un concours international pour la conception de la première des quatre îles artificielles a été lancé, aujourd’hui même, par la task-force directrice du projet, qui s’est réunie au siège de l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT). Une occasion de réfléchir à la faisabilité de cette œuvre pharaonique imaginée par l’ingénieur Enzo Siviero…

 

Il est 11h dans l’édifice qui abrite l’Ordre des ingénieurs tunisiens, avenue Habib Bourguiba. La conférence de presse débute et tour à tour les membres de la « task-force » du projet « TuneiT » prennent la parole et expliquent les détails du projet. En Italie on l’appelle « l’uomo del ponte » (l’homme du pont), Enzo Siviero est architecte, ingénieur et professeur à l’université d’Architecture de Venise (IUAV), ville pionnière dans la construction de ponts et qui en compte près de 450. Des ponts, le professeur Siviero en a réalisé dans sa vie, en prenant la parole l’homme explique comment cette vision, qui peut paraître utopique, peut devenir une réalité.

« Le pont est pour moi une métaphore absolue. Il nous fait comprendre combien il est important de connecter les personnes, les lieux, les religions et les idées. L’histoire des ponts est l’histoire de l’humanité », a commencé par préciser l’architecte, « ce pont matérialisera l’idée d’une connexion entre l’Afrique, continent du futur, qui actuellement migre par nécessité, et l’Europe. Je pense ici à une autre connexion, celle avec la route de la soie via un deuxième pont qui ira connecter l’Italie à l’Albanie. Et là, nous aurons une connexion terrestre entre Cap Town et Pékin où l’Italie du Sud et la Tunisie deviendraient vraiment le centre du monde » a-t-il ajouté.

D’un point de vue technique M. Siviero explique que les 145 kilomètres entre Mazara del Vallo et le Cap-Bon vont être divisés en 4 voire 5 tronçons dont un sous-marin (tunnel), un peu moins long que celui de la Manche. Il souligne qu’il s’agit ici d’ingénierie visionnaire, tout comme celle qui a fait les plus grandes œuvres du monde. Une ingénierie visionnaire car la technique actuelle permet de résoudre la majeure partie des problématiques du projet, mais pas toutes !, souligne l’ingénieur.

 

Massimo Guarascio, ingénieur et professeur à l’université « Sapienza » de Rome, a expliqué, pour sa part, que dans les années 60 aux Etat Unis, lors de la préparation de la première mission spatiale sur la Lune, les scientifiques n’avaient pas, au début du projet, solution à tout. Celles-ci ont été trouvées en cours de chemin. « Concrètement ce voyage n’a pas servi à grand-chose, mais le nombre de brevets (3000 à peu de chose près) qui ont en découlé sont nombreux et nous servent encore aujourd’hui. « Le bond technologique réalisé suite à cette expédition est énorme ! » Relève-il.

Le professeur Guarascio a évoqué, en outre, le pont que la Russie est en train de réaliser avec le Japon, du tunnel sous la Manche, du canal de Suez ou encore du pont de la baie de Hangzhou, en Chine, d’une quarantaine de kilomètres de long. « Dans le monde plusieurs pays s’associent pour réaliser ces œuvres d’une grande utilité commerciale et même métaphoriques, cela est essentiel » poursuit-il.

Selon la task-force présente ce mardi 19 septembre 2017, et composée de : Najla Allani, architecte et directrice de l’École nationale d’architecture et d’urbanisme (ENAU), Amel Makhlouf, ingénieure et membre actif de l’OIT, Ahmed Ben Cheikh Larbi, Directeur de Ecole Nationale Supérieure d’ingénieurs de Tunis (ENSIT) et Oussama Kherij, président de l’ordre des ingénieurs tunisiens (OIT), le pont imaginé par l’ingénieur italien devrait couter 100 milliards d’Euros. Une somme faramineuse qui devra être supportée par les grandes institutions financières et non par les gouvernements. Un investissement toutefois rentable et donc récupérable si l’on pense que les îles peuvent être exploitées comme espaces commerciaux et d’habitations, selon les dires des intervenants.

A la conférence de presse, le concours international pour la conception d’une île artificielle aux larges d’El Haouaria a également été lancé. La date limite pour les soumissions des projets a été fixée au 30 novembre 2017 et la délibération des jurys se déroulera du 11 au 16 décembre de cette même année. L’annonce du résultat se fera successivement, le 20 décembre 2017.

 

A écouter les ingénieurs italiens aujourd’hui, il semblerait que la partie italienne soit intéressée par le projet mais pas l’Europe. Le professeur Enzo Siviero a révélé que le pape François, lui-même, est partisan de cette aventure. « Nous devons faire un pont et détruire le mur » aurait-t-il confié lors d’un échange avec le professeur.

D’autres intervenants à l’instar de Stefnia Craxi, femme politique italienne et fille de Bettino Craxi, leader du parti socialiste italien dans les années 70, ont pris part au débat. Mme Craxi a ainsi exprimé, via une vidéo-conférence, son soutien total au projet.

Que ce projet puisse être encore aujourd’hui perçu comme utopique, cela ne fait nul doute si l’on pense que les citoyens tunisiens doivent attendre des semaines pour obtenir un visa touristique d’entrée en Europe. Durant toute la conférence de presse les intervenants n’ont eu cesse de rappeler le rapport « win-win » avec l’Europe, un rapport qui n’est pas prêt de s’installer s’il n’y a pas de réelle volonté d’abattre le « mur » côté Européen. D’un point de vue purement technique, les ingénieurs sont prêts et pour eux tout est possible comme l’a souvent prouvé l’histoire…

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