Youssef Chahed dans son exercice favori

27/02/2017

L’interview du chef du gouvernement, Youssef Chahed, était très attendue. Interrogé par Hamza Belloumi, le chef du gouvernement a tenté, avec plus ou moins de succès, de donner une image de fermeté, de solidarité et de clarté. Le fait qu’il y ait une grande partie de son gouvernement dans les tribunes a alimenté la polémique jusqu’à éclipser les propos du chef du gouvernement. C’est dire si l’image était forte.

 

Même si elle n’a pas été diffusée en direct, l’interview du chef du gouvernement, Youssef Chahed, a été l’occasion pour ce dernier de passer plusieurs messages. Il a voulu donner l’image d’un gouvernement solidaire, présent et rassemblé derrière un chef qui prend les devants. C’est dans cette logique que plusieurs ministres étaient présents sur le plateau, dans les gradins au milieu du public. Certains y ont vu l’image de solidarité que les équipes de la présidence du gouvernement voulaient faire passer. D’autres ont déploré le fait que les ministres soient traités ainsi et soient relégués au rang de simples spectateurs, comme des supporters de foot ou les fans d’un musicien. Un autre aspect a été sévèrement critiqué au niveau de la forme, c’est le choix de chaîne de télévision. En effet, le choix d’El Hiwar Ettounsi pour cette intervention a fait jaser, surtout après l’interview accordée par le chef de l’Etat à une autre chaîne privée, Nessma TV.

 

Sur le fond, l’actualité du remaniement partiel du gouvernement a relativement parasité le message global du chef du gouvernement. Une batterie de mesures et de positions tranchées ont été énoncées lors de cette interview, particulièrement au niveau économique, dans la lutte contre la corruption ou encore concernant la relation avec la présidence de la République.

 

Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, s’est échiné à défendre son bilan au bout de six mois d’exercice. Relativement détendu et tentant même quelques blagues avec Hamza Belloumi, Youssef Chahed s’est montré affable et ouvert au questionnement. Il en a également profité pour annoncer certaines mesures dont la principale est l’augmentation du salaire minimum la « semaine prochaine ». Il n’a pas donné de calendrier ni expliqué de combien serait l’augmentation. Une autre déclaration d’ordre économique a attiré l’attention, celle concernant les banques publiques. Youssef Chahed a pointé les défaillances de ces banques dans le financement de l’économie en interrogeant : « A quoi nous servent trois banques publiques ? ». Le chef du gouvernement en a profité pour fustiger le tabou concernant les privatisations d’entreprises publiques. Il a déclaré qu’il était hors de question de privatiser des entreprises publiques agissant dans domaines stratégiques tels que l’approvisionnement en eau ou en électricité (Sonede et STEG). Toutefois, il a souligné le fait que l’Etat déteint des participations dans 15 banques tunisiennes, ce qui est un non-sens selon ses mots. Par conséquent, l’option de vendre une partie, au moins, des banques publiques est une option comme une autre. D’ailleurs, suite à cette déclaration, les cours en Bourse des trois banques publiques (BNA, BH et STB) se sont envolés en ce matin du 27 février.

 

L’interview a également été l’occasion de clarifier les rapports de force entre les différents intervenants du pouvoir exécutif. Hamza Belloumi a clairement posé la question à Youssef Chahed en lui demandant qui était réellement aux commandes. Youssef Chahed a commencé par dire qu’il considérait Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif du parti dont il est issu, comme n’importe quel chef de parti signataire de l’accord de Carthage. Le chef de l’exécutif a tenu à délimiter les frontières en disant que ni Rached Ghannouchi, ni Béji Caïd Essebsi n’influent sur son travail. Il a ajouté que ses relations avec Carthage étaient cordiales et qu’il se permettait de consulter le président de la République pour profiter de ses 60 ans d’expérience politique.

 

Quant à ses relations avec l’UGTT, Youssef Chahed a tenu à éluder tout malentendu en déclarant que ni lui, ni son gouvernement, ne veulent envoyer des messages ou sous-entendre quoi que ce soit, particulièrement en rapport avec le limogeage de Abid Briki. Il a précisé qu’il avait appelé au téléphone Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, avant d’annoncer le remaniement. Les deux hommes ont également eu une rencontre ce matin, 27 février 2017.

 

Hamza Belloumi a également posé au chef du gouvernement des questions sur son avenir politique personnel. La question de sa présidence de Nidaa Tounes, qui avait alimenté la polémique à un certain moment, a été remise sur la table. Le chef du gouvernement a fourni la même réponse en disant que sa priorité aujourd’hui était la Tunisie et sa mission à la Kasbah. C’est pratiquement la seule question que Youssef Chahed a éludé. Il a profité de ce passage pour adresser des messages à plusieurs opposants en disant que celui qui a des solutions, qui a des programmes et une manière de dépasser la crise devrait les présenter aujourd’hui, sans attendre 2019 (en référence aux élections prévues en 2019). « C’est aujourd’hui que la Tunisie a besoin de tous ses enfants ! » a-t-il martelé.

 

Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, confirme, à l’occasion de cette interview, qu’il est à l’aise dans l’exercice médiatique. Il est bien plus doué que son prédécesseur, Habib Essid, devant la caméra. Par contre, l’image de progrès et de travail qu’il veut donner risque de se heurter à l’amère réalité, particulièrement lorsqu’il continue de s’engager sur les utopiques 2,5% de croissance en 2017…

 www.businessnews.com.tn

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